Editorial du "Monde":
La guerre civile menace en RDC
(Le Monde 30/11/2011)
La République démocratique du Congo (RDC, le "Congo-Kinshasa"), deuxième plus vaste pays d'Afrique, l'un des plus peuplés et des plus misérables, est, une fois de plus, au bord de la guerre civile.
Cette situation ne devrait laisser personne indifférent : ni l'ONU, ni les grandes puissances qui prétendent s'intéresser à l'Afrique, et encore moins les multinationales de tous bords qui exploitent les immenses ressources minières de la RDC.
C'est un pays déjà saigné par des années de conflits civils et régionaux (1998-2002), qui ont provoqué des centaines de milliers de morts. Immense - quatre fois la France -, il est à peine contrôlé par le pouvoir central et il est parcouru de bandes armées qui pillent, violent et tuent. La perspective d'un regain de guerre civile y est encore plus cauchemardesque qu'ailleurs.
Mais nombre d'observateurs sur place ne l'excluent pas au lendemain d'élections présidentielle et législatives qui se sont tenues dans le chaos. Elles ont eu lieu lundi 28 novembre. Le résultat de la première - un scrutin à un tour - devrait être connu le 6 décembre ; celui des secondes, en janvier. Les opérations de vote ont été marquées par la confusion, la fraude et la violence. Sur les dix candidats qui s'opposaient au président sortant, Joseph Kabila, quatre parmi les plus importants ont déjà demandé l'annulation du scrutin. Dans un pays où tout homme politique qui se respecte dispose d'une petite armée privée, ce n'est pas là affaire de simple contestation politico-juridique.
Tous les regards se tournent vers le mystérieux Joseph Kabila (40 ans). Le président congolais est un taiseux, aux apparitions rares, un jeune homme au destin pour le moins inattendu. Son camp est soupçonné de manipuler la commission de contrôle des élections.
Joseph Kabila été propulsé au pouvoir - on n'ose dire à la tête de l'Etat, tant celui-ci est en miettes - à 30 ans, en 2001. C'était après l'assassinat de son père, Laurent-Désiré, qui avait fait tomber, en 1997, le vieux dictateur Mobutu Sese Seko.
Joseph a "légitimé" sa présence à la présidence lors d'un précédent scrutin en 2006, déjà contesté et déjà marqué par la violence. Il entend rester en place et accomplir un nouveau mandat. Son bilan est pourtant des plus maigres. Le pays est ravagé par la corruption et sous-administré. Le sous-sol regorge de richesses géologiques : or, diamants, cobalt, cuivre, uranium, coltan, pétrole. Mais l'écrasante majorité des quelque 68 millions de Congolais vit dans la misère : l'espérance de vie est de moins de 55 ans, le revenu de 1,25 dollar par jour.
La faiblesse et la corruption de l'administration centrale expliquent la malédiction de la RDC : elle est incapable d'organiser l'exploitation de ses ressources. Pays voisins et multinationales minières s'y comportent souvent en prédateurs.
La Chine, les Etats-Unis, l'Europe ont besoin des trésors que recèle le sous-sol du pays ; elles ne peuvent se désintéresser de ce qui s'y passe en surface.
30.11.11 | 12h48
Article paru dans l'édition du 01.12.11
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