(IPS 25/03/2010)
KINSHASA - La construction, à Kinshasa, de deux boulevards transformés en autoroutes en pleine ville émerveille les Kinois, qui admirent le savoir-faire de l'entreprise chinoise qui exécute les travaux. Mais, ces chantiers s'accompagnent d'importants dégâts: des arbres cinquantenaires coupés, des accidents qui se multiplient...
Bennes, excavatrices, bulldozers géants... La CREC (China railway engineering company), une puissante société chinoise, a mis de gros moyens pour refaire le grand boulevard du 30 Juin, long de 11 kilomètres, la principale artère du centre-ville de la capitale congolaise, Kinshasa. De jour comme de nuit, ces engins lourds sont à l'œuvre sous l'œil vigilant de leurs maîtres et des ouvriers congolais, qui s'affairent à donner forme au nouveau boulevard. Un spectacle auquel viennent assister des Kinois, émerveillés par le génie et le travail de ces petits hommes venus d'Asie.
Sur l'autre grande artère de Kinshasa, le boulevard Patrice Lumumba qui traverse une grande partie de la ville jusqu'à l'aéroport international de Ndjili sur 15 km, le spectacle est le même. "Le président Joseph Kabila veut doter la capitale de boulevards à la dimension d'un grand pays", déclare Barnabé Milinganyo, le porte-parole de l'Agence congolaise des grands travaux (ACGT).
Des centaines d'arbres abattus
Les chantiers sont ambitieux, peut-être un peu trop car la modernisation de ces deux boulevards a un coût, à la fois humain et environnemental. Leur élargissement a entraîné l'abattage des centaines d'arbres géants qui bordaient l'ancienne chaussée : 600 à 700 arbres sur le seul 30 Juin, selon Belade Wapu, du cabinet de la ministre provinciale de l'Education, Environnement et Genre.
"Comme on veut avoir quatre voies dans les deux sens, il faut aller à 10 ou 12 mètres des anciennes bordures de route et couper les arbres visés par les périmètres des travaux", explique-t-il. Des arbres plus que cinquantenaires, qui donnaient de la belle verdure à la capitale, et qui ne fêteront pas les 50 ans d'indépendance du pays le 30 juin 2010.
Les Kinois qui aimaient bien l'allure de leurs boulevards s'en mordent un peu les doigts : "Je ne suis pas contre ces travaux de modernisation. Mais dans une ville où il fait très chaud, ces arbres avaient leur place. Ils nous apportaient de l'ombre", regrette un fonctionnaire à un arrêt de bus.
"Comme deuxième poumon forestier du monde, notre pays devrait être plus sensible à la coupe des arbres", commente, pour sa part, Moïse Musangana de 'Eco Plus', une organisation non gouvernementale de défense de l'environnement.
Alors que la polémique enfle à Kinshasa autour de l'abattage de ces arbres, les Chinois à qui l'on reproche souvent le peu de respect à l'égard de l'environnement, restent muets. Mais ils ne semblent faire que ce qu'on leur demande. "Ils exécutent le plan que le gouvernement leur a présenté", affirme Belade, indiquant que 4.000 jeunes pousses sont cultivées en pépinière pour être replantées le long de ces boulevards.
Autoroutes dangereuses
Les travaux accusent souvent des moments d'arrêt quand les financements ne suivent pas. Le trafic, lui, reste intense sur ces routes qui n'ont jamais été fermées malgré le déroulement des travaux. Embouteillages monstres, piétons désemparés pour traverser de larges bandes de chaussées qui n'ont pas encore reçu des marques de signalisation, conducteurs fous qui roulent à tombeau ouvert sur les voies fraîchement refaites ou sur des couches de terre qui attendent de recevoir l'asphalte, soulevant une nuée de poussière... Les accidents ne se comptent plus. Ce qui pousse certains Kinois à parler de nouveaux "boulevards de la mort".
Les sources policières ne donnent pas de chiffres précis sur le nombre d'accidents, mais les usagers affirment sans détour que ces boulevards sont beaucoup plus dangereux qu'avant. "Les traverser devient tout un cauchemar", témoigne une vendeuse ambulante, qui a vu mourir deux de ses collègues, fauchées sur le boulevard du 30 Juin par un conducteur indiscipliné.
Dans certains milieux des partenaires extérieurs de la RD Congo, qui restent très critiques à l'égard des contrats signés avec la Chine, on parle "d'autoroutes" qui ne devraient pas avoir leur place en pleine ville.
*(Didier Kebongo est journaliste à Syfia, une agence de presse basée à Montpellier. Cet article est publié en vertu d'un accord de coopération entre l'agence de presse InfoSud et IPS). (FIN/2010)
Didier Kebongo*
24 mars (IPS)
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