Thursday, March 01, 2012

Opposition-RDC : La stratégie de la résignation

 

 

Opposition : La stratégie de la résignation
Écrit par Tharcisse Loseke Nembalemba, MD, PhD   

Mercredi, 29 Février 2012 13:08

"Chaque génération a le choix entre trahir ou accomplir sa mission". «Celui qui lutte peut gagner ! Celui qui ne lutte pas a déjà tout perdu !»
« La vision qui consiste à négocier avec un dictateur peut même être dangereuse : les négociations donnent au dictateur une légitimité dont il a besoin pour asseoir son pouvoir».

Le rappel des ces principes nous conduit à l'actualité politique du moment en RD Congo. Certains députés « élus » de l'opposition veulent siéger au sein de cette institution «made in CENI» de Daniel Ngoy Mulunda. Pour quel combat et pour gagner quoi dès lors que les vraies préoccupations de la population sont canalisées par les forces de changement réunies autour du président Etienne Tshisekedi wa Mulumba ? La majorité dans cette assemblée est détenue par le camp Kabila avec plus de 350 «députés» sur 500. La phagocytose des
«députés» issus de l'opposition ne saurait tarder lors de décisions importantes, notamment lors de l'élaboration du Règlement intérieur de l'Assemblée nationale. La « majorité présidentielle » MP pro-Kabila ne fera aucun cadeau à l'opposition qui totalise à peine « théoriquement » plus d'une centaine des députés sans compter les classiques défections. En prélude à cette domination, il suffit de prendre connaissance des propos tenus récemment par Joseph Kabila à sa famille politique et rapportés par la presse : « pour des raisons qui tiennent au jeu démocratique ; il n'y aura ni concession, ni gouvernement d'union nationale». C'est tout dire. Comme on peut le constater, dans une dictature, le seul homme politique c'est le dictateur lui-même, toutes les autres personnes ne sont que des «suiveurs».

Le président élu, Monsieur Etienne Tshisekedi wa Mulumba, n'a pas eu besoin d'une trop longue réflexion pour prendre sa décision d'annuler les élections législatives du 28 novembre 2011. Sur base de la Constitution qui régit actuellement la RD Congo, il est le garant de la Constitution et des Institutions. Agir autrement c'est cautionner des fraudes massives et des antivaleurs. On ne peut pas vouloir une chose et son contraire à la fois. Ou bien on est avec Tshisekedi ou on n'est pas avec lui et on le lui dit.

Décision non concertée ?

Nous entendons ci et là certaines personnes dire que la décision du président Tshisekedi d'annuler les élections est unilatérale et non concertée. Concertation oui, mais entre la Présidence de la République et quelle structure ? Le moins que l'on puisse dire est qu'aucun effort n'est fait par ces personnes pour comprendre le bien-fondé de cette décision logique empreinte de cohérence politique et intellectuelle.

Certains députés « élus » de l'opposition partisans de la participation à tout prix ont tendance à oublier les objectifs de 30 ans de combat politique du Président Tshisekedi. Bien plus, aucune argumentation convaincante ne lui est fournie pour infléchir sa position. Sont-ils convaincus que le fait de siéger dans cette Assemblée largement dominée par la « MP », la RD Congo sera un Etat de droit ? Avec cette assemblée, sauront-ils éradiquer la corruption, la mauvaise gouvernance et les violations des droits de l'homme ? Rien n'est moins sûr dès lors que les partisans de Kabila disposant d'une majorité trop confortable ne feront de cette institution, à l'instar de la précédente législature, qu'une caisse de résonnance de leur exécutif.

Par quel mécanisme démocratique et parlementaire nos « élus » de l'opposition feront-ils triompher leurs thèses dès lors qu'il s'agit d'un problème d'arithmétique parlementaire et du jeu démocratique ?

Sort réservé au Président du Bureau provisoire.

Le Président du Bureau provisoire actuel ne comprend pas qu'il est instrumentalisé. Son rôle se limite à valider les mandats des « députés élus » et mettre en place le Bureau définitif de l'Assemblée nationale. Mais en attendant, il fragilise son parti et la vraie opposition par son attitude. Bientôt, il sera relégué dans les oubliettes et se rendra dans son Madimba en honorable déshonoré. Etant donné le cynisme bien connu des kabilistes, ils peuvent même aller jusqu'à invalider plus son mandat par la Cour suprême de justice (CSJ) comme ils ont fait il y a de cela 5 ans avec Monsieur Mbenza Thubi. Il suffit qu'il y ait un recours de quelqu'un de la MP contre l'actuel Président du Bureau provisoire et ainsi la messe sera dite. Ce sont eux qui contrôlent la CSJ qui n'est pas du tout indépendante. Il continue à se réclamer de l'UDPS, laquelle ? car il n'est sûrement plus dans celle dirigée par Tshisekedi.

Polémique non fondée

Dans certains médias audio sur le net, un ancien Secrétaire Général de l'UDPS s'en est pris de manière discourtoise à ses collègues candidats qui n'étaient pas « élus » ou « nommés » pour devenir « députés » de cette Assemblée de la fraude. Cela étonne plus d'un observateur car cet ancien SG était l'Animateur de la structure qui a piloté les élections au sein de ce parti. Comment comprendre qu'il fasse semblant d'ignorer les injustices dont certains membres de son Parti et d'autres de l'opposition ont subi de la part de la CENI ? Cet ancien SG de l'UDPS sait-il que même dans les rangs de ces « élus » ou « nommés » issus de l'opposition ; certains ont largement bénéficié du concours charitable de la CENI pour devenir « député » ? Nous connaissons tous trop bien ce qui s'est passé. Avant de critiquer les « non élus » dont la plupart sont des victimes de ces manœuvres électorales frauduleuses, il aurait fallu plutôt afficher une attitude de solidarité. Pour beaucoup d'observateurs, il est inutile d'alimenter cette polémique qui marque le début de l'ivresse du pouvoir dans le chef de certains « élus » issus de l'opposition et qui ne peut que faire le jeu de l'adversaire politique.

L'argent et l'honneur

Beaucoup de ces « élus » ou « nommés » issus de l'opposition utilisent des arguments spécieux pour justifier la participation à cette assemblée. Les plus courants sont notamment : éviter la politique de la chaise vide… , il faut se battre à l'intérieur…, il faut siéger au nom des mandats donnés par les bases qui nous ont « élus »,… Il n'est pas certain que les véritables bases électorales soient d'accord avec eux car ils n'arriveront jamais à nous démontrer comment avec la majorité de ces députés kabilistes, produits de la fraude électorale massive, ils parviendront à améliorer le sort de cette population qui risque de croupir encore pendant 5 ans dans la misère innommable. C'est l'argent qui est la véritable motivation de cette participation. Cela est humainement compréhensible mais malheureusement tout à fait incompatible avec les objectifs de notre lutte politique.

S'agissant de l'argent, il est clair que la précarité dans laquelle nous vivons tous nous pousse à accepter l'inacceptable. Siéger pour toucher l'argent venant de ceux que nous combattons, c'est cela la résignation et l'essoufflement de certains membres dits de l'opposition qui mettent leur confort personnel à l'avant plan. Les caisses de l'Etat sont vides. Où le gouvernement trouvera-t-il de l'argent pour payer régulièrement les « députés » pendant que les agents de l'Etat restent des mois impayés ? Une façon de rendre impopulaires les « élus » dits de l'opposition qui ne feront que la figuration.

Bientôt, nous ne manquerons pas d'observer ces « opposants » dans des délégations des missions parlementaires à l'extérieur et dans des Commissions d'enquête ou de contrôle parlementaire de toutes sortes comme pour leur dire «prenez vos perdiems et taisez-vous ». Il n'est pas nécessaire de se battre dans l'opposition pour prétendre avoir ces privilèges.

Ce qui est vrai pour l'argent, l'est aussi vrai pour les honneurs liés à la fonction de député. Nous disons que les véritables « honorables députés » ne seront que ceux seront issus des élections réellement démocratiques, justes et transparentes ; mais qui auront amélioré le niveau de vie des Congolais de par leur présence active dans une véritable Assemblée nationale. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui pour la présente assemblée nationale si on se réfère à la Déclaration de la CENCO, le dernier Rapport du Centre Carter et ceux de tous observateurs nationaux et internationaux. Les observateurs du centre Carter estiment que la situation politique se complique puisque le problème de légitimité qu'ils mettaient en avant après la présidentielle s'étend désormais à l'Assemblée nationale.

Le rapport de force asymétrique.

Ce qui est important pour la vraie opposition, c'est de rétablir la symétrie de rapport de force ou carrément l'inverser. Pour y arriver il faut d'abord bien maîtriser les paramètres sur lesquels repose ce rapport de force et adopter des stratégies adéquates. Parmi ces paramètres, nous pouvons citer : le peuple, l'argent, l'armée et les forces de sécurité, la communication et enfin la communauté internationale.
Le peuple est le paramètre le plus important qui donne la légitimité aux élus.

L'argent est le nerf de la guerre sans lequel aucune action valable ne peut aboutir. L'armée et les forces de l'ordre avec leur pouvoir de contrainte confèrent l'impérium au pouvoir élu. Nous observons en ce moment comment le pouvoir illégitime en place à Kinshasa use de ce paramètre pour neutraliser le Président élu de la RD Congo. La communication a toujours servi à tenir le peuple informé de la marche du pays et d'être à l'abri des rumeurs et de la désinformation distillées par les tenants du pouvoir illégitime. Actuellement dans notre pays, tous les médias officiels sont confisqués par la famille politique de Joseph Kabila. C'est la pensée unique parce que les tenants du pouvoir ont réussi à rendre l'opposition aphone. Quant à la communauté internationale, elle s'aligne toujours du côté où se trouve l'avantage par rapport à ce rapport de force. C'est ce que nous venons d'observer en RD Congo avec les positions récentes de certains de nos partenaires extérieurs. Que l'on ne se trompe pas. Il n' y a pas que des intérêts de ces partenaires qui comptent. C'est avant tout la capacité des acteurs politiques de l'opposition d'inverser ce rapport de force qui sera le facteur déterminant du soutien de la communauté internationale.

La question fondamentale est celle de savoir si notre combat avec le Président Tshisekedi permettra d'inverser ce rapport de force. La réponse est forcément affirmative dans la mesure où il a la légitimité populaire. L'avènement d'un Etat de droit en RD Congo étant notre objectif ultime, nous devons commencer par modifier les structures du pouvoir politique et instaurer une démocratie durable. Cela ne peut se réaliser sous certaines conditions : éviter la compromission, chasser la peur et surtout éviter d e s'essouffler prématurément. Toutes les stratégies doivent viser conquérir l'impérium. La participation à cette assemblée nationale n'en est pas une. Elle ne fera que cautionner l'illégitimité.

En effet, toute négociation entre un dictateur et ses opposants démocratiques est vouée à déboucher sur un marché de dupes : la vision "romantique" de dictateurs qui seraient prêts à faire des concessions majeures, est au mieux irréaliste car si un dictateur veut assouplir son régime, il n'a pas besoin de négocier pour le faire. Aucun pouvoir ne peut se maintenir durablement s'il n'a pas d'appui populaire. C'est ce que nos Evêques de la CENCO ont appelé « gouverner par défi ».

L'art d'éluder les dossiers qui fâchent.

Il est souvent reproché à l'opposition d'être aphone ou de se cabrer en permanence dans la défensive alors que la meilleure stratégie politique serait l'attaque avec des dossiers qui mettent en difficulté les adversaires politiques.
L'exemple typique est celui que nous vivons actuellement au sein de cette fameuse assemblée nationale où on s'apprête à valider des mandats des « députés » qui ont des nationalités étrangères. Que fait l'opposition pour faire entendre sa voix à commençant par le Président du Bureau qui ne peut pas prétendre ignorer ce dossier ou qu'il n'a pas de preuve alors que les lettres lui ont été adressées pour lui donner les noms et les preuves de ces caciques de la Majorité présidentielle qui ont des nationalités étrangères. Il ne peut pas ignorer le cas du ministre de la défense sortant de la Défense nationale qui a la nationalité belge.

L'autre sujet qui fâche, c'est la confiscation des médias publics par la famille politique de Joseph Kabila. L'opposition n'a pas encore usé de tous les moyens démocratiques pour libérer ces médias.

Pour l'opinion, ces attitudes de l'opposition sont assimilées à la compromission, à la peur, à l'aveu d'impuissance ou tout simplement à l'irresponsabilité politique par rapport à la constitution de la RD Congo. Avec un peuple impuissant et résigné, il ne faudrait pas que les « élus » de l'opposition adoptent aussi la stratégie de résignation. Une lutte politique sans sacrifices, surtout physiques et matériels, ne peut conduire à un changement démocratique durable.

Cette analyse exclusivement personnelle n'engage que son auteur.