Wednesday, September 14, 2011

«Zéro chantier» au Kasaï occidental

2011/9/15 kene <kasanga2007@yahoo.fr>
 

Le «zéro chantier» au Kasaï occidental risque de se payer cher dans les urnes

 

Le 18 avril 2011, Hubert Kabasu Babu, dit Babo, était élu gouverneur du Kasaï occidental, en remplacement de l'incroyable Trésor Kapuku Ngoyi, cloué à Kinshasa sur décision du ministre de l'Intérieur pour pugilat caractérisé ayant entraîné la fracture du bras gauche d'un employé d'hôtel de Kananga. Dans la capitale du Kasaï occidental, si tous souhaitaient depuis longtemps le départ du plus médiocre gouverneur de l'histoire de la province, la population a été refroidie par l'élection de son successeur.

Non pas que l'homme manque de compétence, mais simplement parce qu'il est issu de la même famille politique que Kapuku. Nul doute, dans tous les bas quartiers de la ville, l'on priait abondamment pour la victoire du patriarche Patrice-Aimé Sesanga. Pas seulement parce que le sénateur construit un bel hôtel dans la capitale ouest-kasaïenne. Dans une ville où les Luba-Kasaï de la branche Lulua constituent une très large majorité, les mentalités ont changé. L'alignement politique est désormais plus important que l'origine ethnique. Dans ce bastion de l'opposition, le bilan Kapuku des fameux «cinq chantiers» se décline en dessous de zéro.

Sur radio Okapi, le journaliste Pierrot Elamenji demande au nouveau gouverneur de donner le bilan des «Cinq chantiers» au Kasaï occidental. Sa réponse est imperturbable : «On va bientôt commencer le bitumage de l'avenue Lulua qui va de l'aéroport au centre-ville. Ensuite, on va goudronner le boulevard Lumumba». Tout le monde l'aura compris : la question était posée au passé, la réponse survient au futur. Ce que le passé, le lourd bilan de Trésor Kapuku, est franchement nul. Pendant son règne de plus de 4 ans, l'homme a passé son temps à se donner en spectacle, offrant des frasques chaque fois plus surréalistes à ses concitoyens médusés. La dernière, celle qui lui a coûté son poste, est ce tabassage de l'infortuné Ngalamulume Nkayaku, réceptionniste à l'hôtel Quin Med de Kananga, survenu en pleine nuit, simplement parce que ce dernier n'a pas pu trouver une chambre pour un invité du gouverneur dans un hôtel affichant pourtant complet.
Pendant ce temps, la province est laissée "à l'abandon" – encore une fois, le mot est d'Hubert Kabasu Babo. En plein centre-ville, sur le boulevard Patrice-Emery Lumumba, la plus belle artère de Kananga, et au bas de l'imposant immeuble Immo-Kasaï, le bâtiment le plus grand de tous les Kasaï, c'est un vrai lac qui a vu le jour sur l'avenue Gécamines. Avec son humour habituel, la population l'a nommé «lac KAMIJI». «Pour honorer nos deux leaders bien aimés, le gouverneur Kapuku et le président de l'Assemblée provinciale Mijimbu, qui ont permis la survenance de ce lac en pleine ville. C'est un site touristique qu'ils nous ont légué», ironise Elie Ngalamulume,député provincial du parti d'opposition UMR, sur la radio chrétienne RTC.
Le fait prêterait à sourire s'il ne peignait la triste réalité que vit cette province. Déjà, en août 2010, le président Joseph Kabila est venu à Kananga par route en provenance de Mbuji-Mayi. Au cours d'une rencontre avec les notables de la province, il avait dit son écœurement de constater que rien ne change dans le Kasaï occidental. Le sénateur et chef Emery Kalamba avait alors réagi en poussant ce soupir à l'endroit du chef de l'Etat: «Heureusement que vous l'avez constaté vous-même». A cette époque, Kapuku traverse une tourmente politique d'une extrême gravité. Il est – déjà ! – menacé d'éviction pour être allé guerroyer contre son chef coutumier Muamba Mputu dans son village de Luandanda où il a été mis en fuite, perdant dans la bataille un garde du corps.

Affiches menteuses des "5 chantiers"
Kabila est dépité de ce gouverneur inclassable, mais il se trouve qu'un fils de la province, le président de l'Assemblée nationale Evariste Boshab Mabudji, le soutient fermement, pendant que le Kasaï occidental retourne à grande vitesse vers l'âge des Cro-Magnon…
Sur les affiches menteuses de la visibilité des «Cinq chantiers», on brocarde avec une certaine témérité le beau bâtiment de l'ISP/Kananga, ainsi qu'une petite école de Demba, l'EP Demba I. Pour les passants de Kinshasa ou de Kimpese dans le Bas-Congo, le gouvernement aurait construit l'imposant immeuble de quatre niveaux qui abrite cet ISP. La réalité est toute autre : le bâtiment a juste été réhabilité. Et en fait de réhabilitation, l'on a juste passé une couche de peinture, un point un trait. Les vitres sont restées cassées, les portes en lambeaux. Et pour donner le change, le photographe a dû prendre une position oblique susceptible de lui éviter de montrer la vraie réalité. Quant à la petite école de Demba, elle a été construite par la coopération technique belge sur un vieux projet datant de l'époque «1+4».
Dans le cadre des «Cinq chantiers», le président Joseph Kabila avait confié au gouvernement provincial la réalisation d'un certain nombre d'éléments des plans d'action. Sur le plan des infrastructures, par exemple, il était question de réaliser des travaux d'un montant global de l'ordre de 69 908 000 dollars américains pour la mandature. Ces travaux auraient permis, entre autres, la réhabilitation de la Nationale RN1, RN7 et RN20 désenclavant Tshikapa, Kananga, et Munkamba sur une longueur de 525 Km ; la construction des ponts sur les axes desservant les voies d'approvisionnement de Kananga et Tshikapa, le district de Lulua et celui du Kasaï ; le renforcement des axes routiers avec des bacs de haute capacité ; la réhabilitation du service de drainage dans les villes de Kananga et de Tshikapa et des districts de Lulua et du Kasaï ; la lutte anti-érosive ; la réhabilitation du port d'Ilebo et l'entretien de certains tronçons sur les 617 Km de voie ferrée ; la réhabilitation des aéroports de Kananga et de Tshikapa ainsi que la construction des 43 pistes air-brousse. A l'heure du bilan, c'est un gros zéro pourcent de réalisation dont écope Kapuku Ngoyi et ses snobinards de courtisans.

Des tracteurs transporteurs d'eau
Dans le chantier «Santé», il fallait renforcer la capacité d'accueil de 3 hôpitaux généraux de référence des principales villes ; la construction de 20 centres de santé, à raison de deux par territoire ; le renforcement de la lutte contre les maladies graves et résurgentes; l'amélioration des infrastructures en milieux ruraux et urbains ; et le renforcement des hôpitaux dans les deux districts. Des projets pour la somme totale de 11 180 200 dollars américains. Même-là, rien n'a été fait. La seule chose bénéfique étant la construction d'une morgue à l'hôpital «Bon Berger» de Tshikaji, et l'entame d'un autre à l'hôpital général de référence de Kananga.
Dans une province gagnée par le chômage, et où il n'existe qu'une seule unité industrielle – la brasserie Bracongo, qui menace chaque jour de fermer – le chantier «Emploi» promettait, avec force détails, d'enrayer le fléau. Un total des projets pour 17 415 000 dollars américains, comprenant la relance de la production agro-industrielle ; la relance de l'agriculture ; la relance de l'élevage ; la relance de la pêche ; le développement du partenariat agricole ; la relance du tourisme ; la relance de l'industrie et de l'artisanat ; ainsi que la relance des mines, promettait des jours meilleurs à la population. De tout cela aussi, presque rien n'a été réalisé. Les tracteurs envoyés par le gouvernement central servent à transporter de l'eau pour les privés en plein centre-ville, lorsqu'ils ne sont pas utilisés dans les champs d'ananas privés de Trésor Kapuku.
Mais c'est sur le chantier «Eau et électricité » que le peuple ouest-kasaïen attendait ses dirigeants au tournant. C'est le chantier auquel on avait réservé le plus gros des prévisions : 313 405 000 dollars américains, dont 28 605 000 pour l'eau et 284 800 000 pour l'électricité. Avec l'apport du gouvernement central, les montants passent respectivement à 78 085 000 dollars américains pour 14 projets «Eau», et 633 884 000 pour 14 projets «Electricité». Avec pour objectif de faire passer la desserte en eau potable de 13% (sic !) à plus de 30% en 2011 ; et celle de l'électricité de 0,1% en 2006 à 14%. A l'arrivée, le Kasaï occidental garde désespérément le flambeau du lieu le plus obscur du monde, et où l'eau a cessé couler des robinets depuis belle lurette. Dans cette ville que les colonisateurs destinaient à devenir la capitale du Congo indépendant, l'on doit aller chercher l'eau en forêt pour servir un hôtel de la trempe du Grand Hôtel – premier du nom en RD Congo – l'ex-Atlanta.

Boshab et Cie conspués
Mais dans cette ville des drames et des comédies, les actions théâtrales ne manquent pas. Comme cette construction d'une mini-centrale électrique de seulement 500 KWH sur la rivière Lulua qui mobilisa tout ce que le PPRD compte de cadres et d'arrière-cours.
Conduits par Boshab lui-même, ils vinrent nombreux de Kinshasa pour aller inaugurer «la grande œuvre de Joseph Kabila pour le Kasaï occidental», alors que la petite centrale était privée. Après le lancement de la turbine, le courant fut produit pour l'hôpital général et la Bracongo. Mais la turbine ne fonctionna que pendant 2 heures, puis s'éteignit à jamais. Boshab et compagnie, qui voulaient profiter d'un concert du groupe «Les Bayuda du Congo» pour passer le message en faveur du chef de l'Etat, furent lourdement conspués au stade des jeunes de Kananga, et durent décamper pour ne pas être lapidés par une population en furie.Depuis lors, on n'en finit pas de construire des digues sur la rivière Lulua afin de resserrer le lit et de relancer la turbine …
Les moyens ont-ils manqué ? Pas forcément. On rappelle ici des frasques de l'ancien gouverneur qui fit venir la chanteuse sex symbol MJ 30, clouant sur le tarmac un Boeing de Gomair loué pour une semaine entière. L'on rappelle également que le Kasaï occidental est la seule province du pays où les ministres provinciaux voyageaient à l'intérieur en avion, là où ailleurs ils utilisent des véhicules 4X4. Petit problème : l'avion utilisé appartient à la compagnie Sun air service qui, elle, appartient à Trésor Kapuku lui-même. «Le passage de cet homme à la tête de la province a fait du Kasaï occidental ce qu'il n'a plus cessé d'être : le royaume du n'importe quoi», estime un cadre de l'administration publique. N'importe quoi ? Même l'Office des routes peut se permettre d'émettre des avis de taxation pour paiement d'impôt des aux centres de santé !

Beacoup de français
Depuis avril, Hubert KabasuBabo a pris les rênes de la province. Il est pétri de bonne volonté, et parle beaucoup de français – obligeant, au passage, ses auditeurs à recourir en permanence au dictionnaire. Sur ce plan, il est – déjà – différent de Trésor Kapuku qui ému aux larmes Joseph Kabila en se montrant incapable de lire correctement un discours en pleine manifestation des festivités du 48ème anniversaire de l'indépendance du pays organisées à Kananga. Mais que peut-il, Babo, vu que le temps lui est compté ?«La gestion du Kasaï occidental a été un désastre, le genre qui se paie dans les urnes», assure, pour sa part Albert Osutshika, le patron local de l'opposition MLC, rallié depuis au CAAC d'Alexi Kande.
ARISTOTE KAJIBWAMI

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