Saturday, September 17, 2011

L’ambassade des USA et la balkanisation de la RDC. Wikileaks révèle que...



---------- Forwarded message ----------
From: Félicien Muanza <diyalafr@yahoo.fr>
Date: 2011/9/17

L'ambassade US à Kinshasa identifie ceux qui répandent la « Théorie du complot de balkanisation de la RDC », révèle Wikileaks

Kinshasa, 12/09/2011 / Politique

C'est depuis 2010 que l'ambassade américaine à Kinshasa avait alerté Washington sur les bruits répandus autour d'une « Théorie du complot de la balkanisation de la RDC », ce qui fut qualifié de défi pour les efforts de rayonnement de la diplomatie congolaise
Dans le lot des milliers de documents et câbles diplomatiques publiés par WikiLeaks le 26 août 2011, il y a un câble produit en février 2010 par l'ambassade des Etats-Unis à Kinshasa et envoyé au Département d'Etat. La lecture de ce câble diplomatique est particulièrement fascinante du fait qu'il est d'actualité. Le câble en question a pour objet : «La Théorie du complot de la Balkanisation -un défi pour les efforts de rayonnement de la Diplomatie Publique en RDC ».
 
Kinshasa, 2 février 2010. 11H08
 
« 1. (Information sensible mais non confidentielle) RÉSUMÉ.
 
    Le terme « balkanisation » a une signification particulière en République Démocratique du Congo, où il se réfère à une théorie du complot selon laquelle des intérêts étrangers cherchent à diviser la RDC en petits Etats satellites en vue de faciliter l'accès aux vastes réserves minières du pays. De nombreux éminents Congolais affirment volontiers que les Etats-Unis font partie de ces puissances étrangères qui sont disposées à 'balkaniser' la RDC, de la même manière que de nombreux Congolais semblent croire que les Etats-Unis favorisent les visées supposées du Rwanda vis-à-vis de la RDC. Il n'est pas facile de déterminer si ces vues sont très répandues ou si elles résultent principalement de la manipulation de l'opinion publique par le gouvernement. Quoi qu'il en soit, aborder la 'balkanisation' doit être un élément important de la stratégie à déployer dans les efforts de rayonnement de la Mission [diplomatique]. FIN DU RÉSUMÉ.
 
2. (Information non confidentielle)
 
    Le 2 février, le staff des relations publiques a rendu visite à Freddy Mulumbu [(sic) ; Mulumba ndlr], rédacteur en chef du journal Le Potentiel, pour discuter de la 'théorie de la balkanisation', l'idée selon laquelle des intérêts financiers et des lobbies politiques occidentaux ont un plan de diviser la RDC, de saper la souveraineté nationale et le pouvoir de l'Etat, et de maintenir le pays empêtré dans la violence et le sous-développement en vue d'exploiter ses ressources naturelles. L'un des anciens journalistes du Potentiel, Emmanuel Kabongo, un grand partisan de la théorie de la Balkanisation, était également présent. (Note : Le Potentiel est l'un des journaux les plus lus, les plus influents, et relativement indépendants à Kinshasa. Chaque jour, la page de la une porte un encadré qui dit : « Non à la balkanisation de la RDC !» et le thème est souvent discuté dans des articles de nouvelles, des éditoriaux, et des commentaires signés. Par l'entremise du Potentiel, de sa chaîne de télévision, Télé 7, et des conférences et débats de haut niveau, les partisans de la balkanisation ont une plate-forme médiatique puissante. FIN DE LA NOTE).
 
3. (Information sensible mais non confidentielle)
 
    Mulumba a commencé par dire qu'au cours d'un voyage au Canada en 2009, il avait rencontré un quidam (qu'il n'a pas identifié), qui a dit : « Il y a un projet de détacher l'Est de la RDC du reste du pays ». Après quoi, Mulumba a trouvé des preuves à l'appui dans « Le Chant de la mission » de John le Carré (un roman), dans le journalisme d'opinion à l'instar de « The Congo Doesn't Exist [Le Congo n'existe pas] » par Jeffrey Herbst et Greg Mills [publié] dans le magazine Foreign Policy, dans les commentaires de l'ancien membre du Congrès Cynthia McKinney, et dans les écrits de la journaliste belge controversée Collette [(sic) ; Colette ndlr] Braeckman. Mulumba dit que ses suspicions furent confirmées lorsque le Président Joseph Kabila avait déclaré dans un récent Message de Nouvel An que le peuple congolais avait, avec succès, fait échouer des efforts pour balkaniser son pays. Mulumba considérait également l'ouverture des missions diplomatiques dans les Kivus par les Etats-Unis, la Belgique et la France comme la preuve que ces puissances veulent séparer cette région de la RDC.
 
4. (Information non confidentielle)
 
    Mulumba a fait l'exposé d'une théorie néo-Marxiste de l'histoire selon laquelle chaque phase successive du développement économique occidental dépendait de l'exploitation des ressources humaines et naturelles africaines, particulièrement celles du Congo-en premier lieu, l'agriculture avec des esclaves, puis l'industrie avec le caoutchouc du Congo, et présentement la haute technologie avec le coltan et d'autres minerais de l'Est de la RDC. Mulumba attribua la responsabilité du conflit qui a fait des millions de victimes congolaises entre 1997 et 2003 aux Rwandais, avec l'appui du gouvernement des Etats-Unis, transformant [ainsi] la RDC en « un Etat vassal du Rwanda », ce qu'il est resté jusqu'aujourd'hui, soutient-il. Il voit dans les efforts pour intégrer les anciens rebelles dans les FARDC comme un complot pour la prise de contrôle rwandaise de l'armée congolaise. Tout en appuyant en théorie la réforme du secteur de la sécurité, et tout en prônant une armée nationale forte et professionnelle, Mulumba stigmatisa les efforts internationaux comme désorganisés et même propres à semer la discorde.
 
5. (Information non confidentielle)
 
    Kabongo se lança dans une tirade contre ce qu'il considérait comme une immixtion des Etats-Unis dans la souveraineté congolaise, de la Guerre Froide (qu'il dit « avoir été vaincue en RDC », grâce aux ressources minières extraites ici) jusqu'au jour d'aujourd'hui. Avec l'élection de Barack Obama, qui s'est fait le champion de la RDC au Sénat des Etats-Unis, Mulumba déclara qu'il espérait voir changer la politique des Etats-Unis envers l'Afrique, et il souligna la couverture généralement positive de sa maison de presse de la visite en août dernier de la Secrétaire d'Etat Clinton comme un signe de son optimisme.
 
    Cependant, Mulumba était frustré qu'il n'ait point vu de plus amples « mesures concrètes » de l'appui du gouvernement des Etats-Unis. Tout en croyant qu'Obama se préoccupe personnellement de la RDC, Mulunda pointa du doigt « un lobby qui a le contrôle sur la politique étrangère américaine », et fit allusion aux intérêts miniers qui sont derrière [ce lobby]. Il exprima également son scepticisme sur l'assistance des Etats-Unis et des autres bailleurs de fonds. Mulumba, qui visita récemment la Chine, déclara que l'investissement étranger direct, plutôt que l'aide au développement, pourrait aider la RDC à sortir de la pauvreté.
 
6. (Information non confidentielle)
 
    Mulumba mit en évidence le succès d'une récente conférence sur la Balkanisation sponsorisée par Le Potentiel. Citant le grand nombre des participants, Mulumba nota que le public congolais était enthousiaste pour discuter de cette question, particulièrement avec l'Ambassade des Etats-Unis. L'Adjoint du chargé des Relations Publiques et le chargé de la Diplomatie Publique ont fait remarquer que les Etats-Unis étaient intéressés d'engager une discussion courtoise et ouverte pour contrer les thèses répandues par la théorie de la balkanisation. Toutefois, la participation du public se devra de rester cordiale afin de permettre une conversation productive (plutôt que des engueulades dans lesquelles semblaient dégénérer les discussions), et devra inclure d'autres bailleurs de fonds. (NOTE : Le chargé de la Diplomatie Publique fut invité à participer, mais déclina l'invitation, après qu'il eut appris que les Etats-Unis étaient le seul bailleur de fonds convié. FIN DE LA NOTE).
 
7. (Information non confidentielle)
 
    Mulumba et ses collègues ne sont pas les seuls à avoir ces opinions. L'Avenir, un journal pro-gouvernemental avec des liens étroits au Président Joseph Kabila, fit passer un article le 3 février exprimant la suspicion selon laquelle les programmes de démobilisation menés par la Mission des Nations Unies en RDC (MONUC) sont un « Cheval de Troie » intégrant des Rwandais dans l'armée de la RDC et d'autres institutions nationales. Lorsqu'une étude patronnée par les Nations Unies remit en cause l'estimation de 5,4 millions de Congolais morts dans les récents conflits, une association de groupes de la société civile congolaise accusa des « nations occidentales » anonymes d'utiliser cette étude pour minimiser « leur responsabilité dans les massacres en RDC ». Dans ses conversations avec des étudiants congolais, le chargé de la Diplomatie Publique entend souvent dire: « Tout le monde sait que les Etats-Unis étaient derrière l'invasion de la RDC par le Rwanda ».
 
8. (Information sensible mais non confidentielle)
 
    Commentaire : S'il est vrai que la théorie de la Balkanisation a des partisans à travers la RDC, nous ne sommes pas sûrs du degré auquel elle résonne à travers la société congolaise. Si des intellectuels radicaux comme Mulumba en expriment la version forte, des variantes modérées de la théorie sont régulièrement articulées par la presse pro-gouvernementale, des personnalités politiques, et des particuliers. Certains Congolais suspectent, à un certain point, que l'assistance du gouvernement des Etats-Unis (et voire toute l'aide internationale) est donnée en vue d'affaiblir le pays et de promouvoir des intérêts financiers privés.
 
    Cette opinion est particulièrement prépondérante dans les Kivus, dans la mesure où le public continue à croire que les intérêts américains supportent les efforts supposés du Rwanda d'annexer les Kivus et de monopoliser les ressources de la région (télégramme de référence). Encore est-il possible que la théorie ne soit embrassée que par une minorité bruyante, ou qu'elle soit encouragée par un leadership cynique et qu'elle soit sans appui répandu dans le public. Sans un état des lieux des attitudes et des opinions publiques, l'Ambassade de Kinshasa est présentement incapable de mesurer exactement le degré auquel cette théorie exerce une influence parmi les particuliers congolais.
 
    Nous allons explorer des moyens d'obtenir des ressources pour un sondage approfondi sur les attitudes et les opinions concernant les politiques du gouvernement des Etats-Unis, afin de développer un engagement efficace pour contrer cette théorie de la Balkanisation, ainsi que d'autres questions cruciales pour la mise en œuvre des objectifs stratégiques de la mission [diplomatique] en RDC. Des rapports ultérieurs exploreront d'autres opinions et attitudes qui ont un impact sur la perception du public congolais de la politique américaine envers la RDC. Fin du commentaire ».
 
 
Alex Engwete/Le Potentiel