Les candidatures de Kamerhe, Kengo et Mbusa: est-ce une volonté de conquérir le pouvoir ou un appel de pied à Etienne Tshisekedi? |
Écrit par Emmanuel Ngeleka Ilunga |
Lundi, 19 Septembre 2011 20:07 |
Nous pensions que le projet de l'union de l'opposition était mort de sa belle mort. Et que le décor était définitivement planté pour les grands-messes électorales attendues. Il n'en est rien. Même après avoir déposé leur candidature en fanfare à la CENI et versé une caution non remboursable de $ 50.000, M. Kamerhe, Kengo et Mbusa se déclarent chacun "ouvert au dialogue" en vue de la désignation d'un candidat unique de l'opposition, ce qui ressemble fort à un appel de pied à Tshisekedi. Que peut-il se cacher derrière ce ˝altruisme ̏ ? Plusieurs scénarios peuvent être envisageables.
1. Les ̏opposants proches de Kabila˝ sont désorientés par la fin brutale des négociations entre ˝Fatimȁ et ̏Sultani˝ et en mal de stratégie. Si le dépôt de sa candidature à la CENI le 05/09/2011 était un coup de maitre, la rupture unilatérale des négociations entre les deux groupes d'opposants (Fatima et Sultani) par E. Tshisekedi l'était encore plus. Pris de court, les "opposants proches de Kabila" ont perdu de leur panache et sont privés définitivement d'argument à faire valoir pour faire pression sur l'homme de Limete. Depuis, ils sont affaiblis, paraissent désorientés et sont sur la défensive.
Sinon, comment comprendre que M. Kamerhe et ses amis font une chose et son contraire à la fois: volonté de briguer la magistrature (par le dépôt de leur candidature) et la volonté de vouloir s'effacer pour l'un des opposants qui serait plébiscité (la demande des négociations). Comment expliquer qu'eux qui, il y a encore peu, déclaraient que la priorité allait à l'élaboration du programme commun avant la désignation du candidat, ne peuvent se choisir l'un d'eux comme candidat maintenant que la première étape semble franchie ? Comment comprendre que les auteurs des récentes menaces à peine voilées consistant à "s'arroger le droit de présenter leur candidature si leur main tendue à Tshisekedi n'était pas acceptée" changent soudain de discours, maintenant que l'opportunité de se présenter leur est offerte et du coup semblent mal à l'aise dans leur statut de candidats? Tout laisse croire qu'ils maintiendront cette ̏main tendue˝ jusqu'à ce qu'ils trouvent une stratégie de rechange.
2. La ˝main tenduȅ de Kamerhe et ses amis est une stratégie du pouvoir visant à faire accréditer la thèse selon laquelle « l'opposition est divisée ». Déposer sa candidature à la CENI et être prêt à s'effacer au profit d'un autre, après versement d'une importante caution est contraire à toute logique. C'est comme avoir mis la charrue avant le bœuf. Mais puisque M. Kamerhe et ses amis sont assez intelligents pour ne pas savoir ce qu'ils font, cet ˝altruismȅ cache des arrières-pensées politiques. Nous pouvons en imaginer trois de la part de petits soldats de Kabila.
D'abord, l'intention serait de faire accréditer la thèse que ˝l'opposition est diviséȅ, refrain déjà repris autant par la presse prépayée kinoise qu'internationale. Implicitement on saluera l'ordre et la discipline qui règne dans le camp du président sortant. Une fois cette assertion admise, tripatouillage ou pas, la victoire de Kabila se justifiera ̏puisque l'opposition était divisée˝. Ensuite l'intention est d'étouffer le message critique venant de la vraie opposition. Les échos venant de Fatima et Sultani étant contradictoires (certains veulent la réprise des négociations, d'autres non), cela donnera lieu à une cacophonie délibérément voulue par le pouvoir. Enfin, la ˝main tenduȅ est une démarche initiée pour détourner l'attention de la vraie opposition des vrais enjeux et la focaliser sur des questions administratives.
3. A travers sa ˝main tenduȅ à Tshisekedi, Kamerhe rêve de jouer le beau rôle de "père de l'union de l'opposition congolaise" et en tirer le bénéfice électoral. La préoccupation de tout homme politique est entre autres d'accomplir quelque hauts faits à même de le mettre malgré lui en orbite, servant ainsi de référence à tous et en même temps c'est un élément utile pour galvaniser les membres de sa formation politique. C'est ainsi que naissent des mythes autours de nombreux politiciens. Les 27 ans d'emprisonnement de Nelson Mandela par le régime raciste Blanc et les près de 30 ans de lutte d'Etienne Tshisekedi ne sont que des exemples. Il arrive que lorsque des faits impressionnants n'existent pas, on les invente: voilà pourquoi les mobutistes avaient "imaginé" l'histoire du maréchal bravant les rebelles sur le pont Kamanyola!
Que faire lorsque votre passé renseigne seulement que vous êtes l'auteur de "Pourquoi j'ai choisi Kabila", son Directeur de campagne et Président d'une chambre d'enregistrement? La meilleure façon de s'ancrer dans l'opposition ne peut-elle pas consister d'apparaitre comme l'initiateur de l'union de cette même opposition ? Qui pourrait douter de son statut d'opposant après l'obtention de ce genre de lettres de noblesse? A la veille des échéances comme celles qui nous attendent, cela peut être rentable.
4. L'alternance est sérieusement envisageable après novembre prochain. Pour ce faire Kamerhe et ses amis ne tiennent pas à être du côté des perdants. Dans les mœurs politiques congolaises, la politique ne « paie bien » que tant que vous êtes du bon côté, c'est-à-dire – osons le mot – du côté de la mangeoire. ̏ L'opposition ne nourrit pas son homme ˝, entend-on souvent. Dès lors il n'est pas étonnant que des actes de « vagabondage politique » ne soient dirigés que dans un seul sens : en direction du pouvoir-mangeoire. Que le mouvement se fasse en sens contraire (cas de Kamerhe et Mbusa rejoignant l'opposition) et de surcroit à la veille des grandes échéances électorales, cela semble suspect et plein d'arrière-pensées. Se pourrait-il que les membres du groupe de l'hotel Sultani aient flairé un vent de changement et se sont dit qu'il « vaut mieux être amis avant la chasse qu'après » ?
5. Kamerhe et ses amis sont conscients qu'ils ne pèsent pas lourd dans la balance. Si les sondages d'opinion n'existent pas au Congo, néanmoins d'autres paramètres pouvant déterminer le poids politique d'un homme ou une formation politiques existent: la capacité de donner un mot d'ordre et ses troupes occupent le pavé dans une manif, être capable ou non de drainer des foules lors des descentes sur terrain, faire salle comble dans des stades avec ses sympathisants, etc. Au mois d'août dernier, il a été donné aux congolais de juger lors des tournées de Kamerhe au Bas-Congo et Tshisekedi au Katanga ainsi que lors du meeting au Stade des Martyrs le 09/09/2011. Le constat était que loin de ses terres kivutiennes, V. Kamerhe avait du mal à fasciner sans un coup de main des autres formations politiques. Puisque l'homme est intelligent, en aurait-il vu le danger à venir et souhaiterait une alliance avec Fatima ? |
Mise à jour le Lundi, 19 Septembre 2011 20:12 |