Thursday, January 24, 2008

Nkunda demande le respect des accords de Lemera. La conférence nationale de Kinshasa dit non


Nkunda demande le respect des accords de Lemera. La conférence nationale de Kinshasa dit non


"Les fous de l'Internet" que nous sommes n'arrêtons de découvrir, jour après jour, que l'écriture officielle de notre histoire par les gagnants de ce monde fausse notre histoire réelle et engage nos populations à avaliser les thèses de ceux et celles qui voudraient faire de notre pays un bien dont ils sont les seuls maîtres. Congoforum, dans la rubrique Offre et emploi, nous offre un débat du Club Millenium (organisé par Marie Roger Biloa) qui permet de comprendre la conférence du Kivu et les résolutions attendues.

En écoutant Charles Onana, nous nous réalisons que le temps qui passe favorise la falsification de l'histoire des crimes commis à l'Est de notre pays. L'écriture de notre histoire par les gagnants a oublié qu'il y a eu quatre rapports sur la table des Nations-Unies sur l'occupation de notre pays par le Rwanda et que la plainte du Congo contre cette occupation a été déclaré irrecevable. Ce que les Congolais(es) sont en train d'oublier est qu'entre 1990 et 1994, les idéologues du génocide rwandais ont eu recours à la mascarade, au mensonge et à la malhonnêteté pour couvrir les desseins hégémoniques de Paul Kagame.

Il n'est pas surprenant, dans ce contexte, d'entendre nos compatriotes participant à la conférence de Goma avaliser cette falsification de l'histoire en faisant de l'insécurité des Kivus le seul problème des "génocidaires" Hutu devant être rapatriés par la communauté dite internationale qui, hier, a refusé d'intenter un procès contre le Rwanda pour occupation illégale de notre grand et beau pays.

Donc, si nous ne nous ravisons pas, la conférence de Goma va aboutir à la reconduction des accords de Lemera, l'un des nerfs de la guerre des Grands Lacs. Nkunda, une autre Cheval de Troie, est très clair sur cette question. Dans sa dernière interview, bien que reconnaissant que "les accords de Lemera sont de l'ordre de la politique politicienne", il ajoute: "Toutefois, l'AFDL dirige toujours la RDC sous d'autres labels: le CPP, le PPRD et l'AMP. Ceci implique que ces Messieurs et/ou leurs ayant droit sont strictement tenus de respecter leurs propres signatures. Du reste, je pense que certains clauses de ces accords sont fondées et méritent notre bienveillante attention."

En effet, plusieurs d'entre nous entendent parler des accords de Lemera sans en connaître les termes.

Reproduisons-les.

I. Les accords de Lemera

Le 23 octobre 1996, les camarades fondateurs de l'AFDL (Laurent-Désiré Kabila, André Ngandu Kisase, Anselme Masasu, Deogratias Bugera et Bizima Karaha) ont conclu les accords ci-après:

Art. 1. Il est créé, en ce jour du 23 octobre 1996, une Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo qui sera soutenu militairement par les forces combattantes de l'AFDLA.

Art. 2. Le sol et le sous-sol congolais appartient à l'Alliance.

Art. 3. L'Alliance devra demeurer une institution de l'Etat canalisatrice de l'idéologie de libération.

Art. 4. Prêchant le panafricanisme, l'Alliance s'engage à céder 300 kilomètres aux frontières congolaises, à l'intérieur du pays, pour sécuriser ses voisins ougandais, rwandais et burundais contre l'insurrection rebelle.

Art. 5. Dès que l'Alliance aura gagné la victoire, une rétribution spéciale sera allouée aux Alliés. Sa détermination est de la compétence de l'instance supérieure de l'Alliance.

Art. 6. Tous les politiciens des années soixante en RDC et ceux ayant collaboré avec le régime de Mobutu seront mis en retraite politique.

Art. 7. La nationalité congolaise sera accordée collectivement aux camarades Banyamulenge et aux autres populations d'origine rwandaise établies au pays avant la date de l'indépendance de notre pays (le 30 juin 1960).

Art. 8. L'Anglais et le Swahili devront concurrencer le français dans l'espace linguistique de notre pays.

II. Des accords ambitieux qui ont du mal à être appliqués

Dès 1998, l'Alliance est tombée victime de ses effets d'annonce. Elle n'a jamais dévoilé aux Congolais ce que "la libération du pays" a coûté. Ayant usurpé le droit de disposer du sol et du sous-sol aux Congolais(es), elle a troqué des portions entières de notre paye contre les services rendus par les alliés. Les contrats léonins et la prédation pratiqués par des réseaux mafieux auxquels appartenait " ce conglomérat d'aventuriers" ont aiguisés les appétits de tous les charognards et nous en payons le prix jusqu'à ce jour, l'appétit venant en mangeant.

L'article 6 ne s'est appliqué ni hier ni aujourd'hui: les mobutistes sont toujours aux affaires et un politicien des années 60 est premier ministre. L'article 8 a vu un début d'application à l'entrée de l'AFDL au Congo et depuis lors, l'anglais est loin de concurrencer le français. Une fausse lecture du panafricanisme (article 4) a conduit l'Alliance à prendre un engagement qu'elle a honoré en partie en favorisant l'ouverture des institutions de la troisième République (?) à tous "les infiltrés" des pays voisins. L'AFDL-PPRD peine à accomplir l'autre part du contrat: céder 300 kilomètres aux frontières congolaises, à l'intérieur du pays, aux alliés ougandais, rwandais et burundais.

Et pourtant, une proposition de la création d'un grand espace économique des Grands Lacs garantissant la libre circulation des personnes et des biens (comme au sein de l'Union Européenne) pourrait contourner ces accords conclus en catimini par des Messieurs ayant cru que le sol et le sous-sol congolais leur appartenaient. La fixation sur l'accord de Lemera cacherait le dessein de la balkanisation du Congo tant décrié et le vol de ses ressources naturelles. D'où les interminables guerres entretenus par "des seigneurs" pour lesquels les initiateurs et les coordonnateurs de la conférence de Goma voudraient obtenir "le pardon" sans réparation aucune.

Les crimes contre l'humanité, les crimes économiques et les crimes de guerre commis par les alliés transformés en réseaux de prédation sont sur le point d'être effacés de l'histoire sans indemnisation des victimes au nom des accords non tenus. L'impunité serait ainsi consacrée pour la énième fois.

Ce qui risque de se passer à Goma est que, comme à Sun City, les compatriotes se sentent contraints de signer des textes rédigés par "les alliés" par devers eux.

Mais la conférence nationale de Kinshasa pourrait rendre cette perspective irréalisable.

III. Du 14 au 16 janvier 2008: une conférence nationale à Kinshasa

Les initiateurs et les coordonnateurs de la conférence de Goma n'avaient compté ni avec les réactions des compatriotes congolais vivant à l'extérieur du pays, ni avec la société civile congolaise au sein de laquelle ne cessent de militer Marie-André Muila, Amigo Ngonde, Fernandez Murhola, Sabin Banza, etc. Voici comment ces Messieurs motivent l'organisation de cette autre conférence: "au regard de la composition des participants, des objectifs et des résultats des importantes assises (de Goma), écrivent-ils, des voix s'élèvent à travers tout le pays et de par le monde, quant à la prise en compte des intérêts des populations à la base. C'est pourquoi, pour pallier à cette difficulté, la Société Civile de la République du Congo organise en marge de ces assisses, une Conférence Nationale sur la paix, la sécurité et le développement des provinces du Nord-Kivu afin d'affirmer l'existence de la société civile comme une force au milieu du village et chercher à influer positivement sur la rencontre de Goma par des propositions constructives tout en veillant à l'intégrité territoriale." Donc, à l'échec de l'article 4 des accords de Lemera.

A la lecture des objectifs poursuivis par cette autre conférence, il y a lieu de dire qu'elle va au-delà du particularisme et du minimalisme du "cinéma" de Goma et du flou qu'il entretient sur ses motivations réelles. Si l'objectif global de la conférence nationale Kinshasa est de réunir une large opinion de la société civile de la République Démocratique du Congo pour réfléchir et influer sur la conférence relative à la paix, la sécurité et le développement dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu", ses objectifs spécifiques sont clairs et nobles.

Il s'agit de "mobiliser les forces vives de la Nation pour évaluer les préjudices subis dans leurs différents aspects, les conflits qui ont secoué les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu ainsi que leur impact sur l'ensemble du territoire national; faire le diagnostic de la situation sécuritaire globale qui prévaut en République Démocratique du Congo en général et dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu en particulier, en vue d'aboutir à une compréhension commune; proposer des mécanisme pour renforcer l'autorité de l'Etat sur les questions de paix, de sécurité et de développement dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu.

La réalisation de ce dernier objectif nous semble être inimaginable dans l'état actuel des choses au Congo.

Comment peut-on prétendre renforcer l'autorité d'un Etat manqué? D'un Etat inexistant?

Espérons qu'à travers la proposition des "mécanismes pour renforcer l'autorité de l'Etat", "le comité de suivi qui sera mis en place et rendu opérationnel" pourra demander le retour à la case de départ. C'est-à-dire l'arrêt du fonctionnement des institutions actuelles du pays, la mise en place d'un gouvernement de transition et l'organisation de nouvelles élections générales au pays, en commençant par les locales.

Il est un fait qu'une analyse sérieuse de la responsabilité des gouvernants actuels dans la crise anthropologique que connaît notre pays ne peut pas manquer de les pointer du doigt comme traîtres de la cause nationale congolaise. Un Etat manqué dressé contre les populations congolaises ne peut pas être moralisé de l'intérieur. Il doit être remplacé par un Etat s'efforçant de promouvoir le bonheur collectif.

J.-P. Mbelu