Thursday, January 24, 2008

La conférence de Goma: Kabila vient de jeter de l'huile sur le feu!

La conférence de Goma: Kabila vient de jeter de l'huile sur le feu!


"Les fous de l'Internet" Congolais et leurs alliés doivent avoir lu sur le site d'Africatime que le président congolais est arrivé "incognito" hier (mardi 15 janvier) à Goma. Se confiant à l'agence Reuters, Joseph Kabila a affirmé que "personne ne va inviter Nkunda ici parce qu'il a des problèmes avec la justice". Et selon cette même agance, "le gouvernement a d'ailleurs transmis à Interpol, l'organisation internationale de police, un mandat d'arrêt congolais visant Nkunda". Il se pourrait que ces informations soient démenties par les gouvernants Congolais. Dans le cas contraire, ils vont donner raison aux compatriotes ayant vu dans la conférence de Goma "un cinéma " de mauvais goût.

I. Entendre les revendications du CNDP sans Nkunda?

Tenez. Avant le début de cette conférence, le président de l'Assemblée nationale et l'un des coordinateurs de ladite conférence, Vital Kamerhe, avait dit haut et fort après la débâcle de Mushake: " Nous ne pouvons négocier qu'avec ceux qui ont pris des armes." Mais peut-on négocier avec le CNDP sans Nkunda, lui qui n'a pas honte de dire pourquoi il a pris les armes? En fait, en dehors de Nkunda, une délégation du CNDP est présente à la conférence de Goma. Elle y a formulé 8 revendications dont celle-ci: " Le CNDP apprend par les médias que les mandats d'arrêt auraient été émis contre certains parmi ses Chefs militaires. Elle les déclare sans fondements et demande leur retrait pur et simple. Il exige en outre, la libération sans conditions, de tous les prisonniers politiques et de toutes les personnes détenues illégalement dans des conditions inhumaines et soumises à des traitements cruels et dégradants au simple motif de collaboration et/ou de sympathie envers le CNDP."

A lire l'agence Reuters, c'est encore une fois par les médias que le CNDP va apprendre que l'un de ses Chefs militaires " a des problèmes avec la justice". Comment va-t-il réagir? Cela d'autant plus qu'il a entendu affirmer du haut de la tribune de la conférence de Goma "que les présentes assises n'auraient pas le mandat d'apporter des solutions durables aux questions de fond que se posent au pays, mais qu'elles se contenteraient de faire des propositions aux Institutions de la République qui jugeraient de la nécessité ou non de leur mise en œuvre." Les membres du gouvernement congolais présents aux assises de Goma pourront-ils présenter, en bonne et due forme, à leurs participants, "le mandat d'arrêt congolais visant Nkunda" dont parle l'agence Reuters?

S'il est vrai qu'un mandat d'arrêt est lancé contre Nkunda, le gouvernement congolais répondrait à l'une des attentes des Maï Maï de Fizi qui, condamnant le fait que ce gouvernement ait toléré la présence de multiples groupes armées dans les zones sensibles de l'Est de la RDC tel que "Laurent Nkundabatware au Nord-Kivu" réclament, dans leurs recommandations, son arrestation afin qu'il réponde de ses actes. La situation de Nkunda est l'une de celles auxquelles le manque de solution inciterait les Maï Maï à ne pas quitter le maquis. Kabila et son gouvernement vont-ils, cette fois-ci, tenir leur parole?

Et pourtant, il semble, à en croire Grands-Lacs Confidentiel, qu'à Goma, dans les coulisses de l'équipe de Laurent Nkundabatware, "avant la réunion (de Goma), une délégation de Laurent Nkundabatware a rencontré en toute discrétion Joseph Kabila avec des revendications. Celui-ci les aurait acceptées. C'est pourquoi, il a convoqué la conférence afin que la population congolaise décide."

Alors, à quoi jouerait Kabila en soufflant le chaud et le froid? Selon Grands-Lacs Confidentiel, "Joseph Kabila est conscient que s'il signe des accords avec Nkundabatware sans l'approbation de la population, il y aura certainement une insurrection populaire et une guerre qui pourra déborder les calculs des stratèges." D'où l'option qu'il aurait prise de peser "dans la balance pour que soient nommées trois personnalités originaires du grand Kivu: l'Abbé Apollinaire Malu-Malu, Vital Kamerhe et Jean-Luc Kuye Ndondo Wa Mulumera, avec pour mission de convaincre les populations du Nord et du Sud-Kivu de se joindre à l'initiative."

Encore une tactique de diversion?

Dans ce contexte, il se pourrait que les déclarations médiatiques de Joseph Kabila (non suivies d'actes) soient une énième tactique de diversion. Cela dans la mesure où Nkunda poursuit la mission que le RCD n'a pas pu mener à bon port et pour laquelle Joseph Kabila a été imposé aux Congolais(es): forcer Kinshasa à reconduire les accords de Lemera après "la trahison" de Laurent-Désiré Kabila. Voilà pourquoi, "le Rwanda et l'Ouganda avouent ouvertement leur appui à Nkundabatware. Quelles que soient les conditions, les parrains de Nkundabatware ne sont pas prêts à lâcher leur homme car l'échec de ce dernier au Congo signifie l'échec du Rwanda et de l'Ouganda. Ces deux pays sont déçus: Laurent-Désiré Kabila les a déjoués. Les ententes que le Rwanda et l'Ouganda avaient déjà signées avec les puissances impérialistes (Etats-Unis, Angleterre, Belgique, Allemagne, Afrique du Sud) sont restées lettre morte." (Lire Grands-Lacs Confidentiel du 10 janvier 2008).

Dans ce contexte, sacrifier un pion de l'impérialisme ne poserait pas tellement de problème: les nombreux pions sont interchangeables.

En effet, les vrais enjeux de Goma sont ailleurs. Les mises en scène de Kabila couvrent le nerf de la guerre: l'accès aux richesses naturelles des Kivu. Gustave Lobunda, rédacteur en chef de l'Agence catholique de presse à Kinshasa estime qu'"avec cette conférence de Goma, les Congolais ont fait leur part du travail. La communauté internationale devrait aussi faire la sienne en mettant d'accord lors d'une conférence internationale toutes les puissances économiques qui veulent exploiter le Congo. Il y a de la place pour tout le monde. Il ne faut plus que les forces extérieures manipulent les minorités. Sinon il n'y aura jamais de paix." (Lire Le Temps.ch du 16 janvier 208).

Or, pour ceux et celles qui savent que, pour la communauté dite internationale, la guerre est une tactique commerciale, croire qu'elle en arrive un jour à couper la branche sur laquelle elle est assise relève de la naïveté pure et simple.

Face aux intérêts "trahis" de la communauté dite internationale, plusieurs scénarios sont envisageables chez nous. Le premier est celui d'un éventuel état d'urgence à décréter après des pillages fabriqués de toutes pièces. Cet état d'urgence neutralisant le Parlement permettrait à l'un des alliés du désordre néolibéral, Joseph Kabila, d'imposer les décisions prises à Goma avec le soutien de ses "zorro de service". (Lire Alerte aux Sénateurs et Parlementaires de la RDC: Kabila veut décréter l'état d'urgence, dans L'œil du patriote du 15 janvier 2008).

Un autre scénario serait celui de la mise en commun des recommandations du "cinéma" de Goma et de la Conférence Nationale organisée à Kinshasa par la Société Civile Nationale et la mise sur pied d'un comité de suivi chargé de faire pression pour la mise en pratique de ces recommandations par les institutions de la troisième République. Ce scénario aurait trop peu de chance d'aboutir dans la mesure où il sera senti par "le raïs", ayant été pris au dépourvu par la Conférence de Kinshasa, comme un défi à sa "toute-puissance imaginaire". Un autre scénario serait que les forces de l'opposition et de la résistance congolaises intègrent les différentes recommandations de ces deux conférences dans les instruments de leur lutte pour la libération du Congo du joug de l'impérialisme capitaliste par les supplétifs interposés. Les deux conférences serviraient à l'approfondissement de l'enjeu congolais, à l'identification de véritables patriotes congolais, à la prise en compte du sens de leur lutte et à l'affûtage "des armes de destruction massive" du nouveau désordre néolibéral mondial.

J.-P. Mbelu