Saturday, December 19, 2009

Le Congo sous Kabila (2001- 2009): misere, mort et insecurite ! __ Lettre ouverte de Bukavu __

 
Le Congo sous Kabila (2001- 2009): misere, mort et insecurite !   __ Lettre ouverte de Bukavu  __
 
Expediteur
Me Idesbald BYABUZE Katabaruka                                                      
Avocat, Défenseur des droits humains au Sud Kivu et Enseignant
Tél. : (00243)997724853710502
E-mail : <ideskat@yahoo.fr>
 
 
« SATISFECIT CONTRE DESAMOUR »

Lettre ouverte à Son Excellence Joseph KABILA,
Président de la République Démocratique du Congo,
Avec l'assurance de notre profond respect.

Excellence Monsieur le Président,

Après notre lettre ouverte « tant qu'il est temps » à vous adressée le 30.12.2008, nous voici de nouveau, la plume à la main, obligé de déverser devant votre très haute autorité l'immense désolation qu'avec le peuple congolais nous partageons en général et singulièrement avec les populations de notre chère province du Sud Kivu.

Comme par nos nombreuses correspondances du passé, nous tenons d'entrée de jeu à vous prévenir, contrairement à ce que de véreux collaborateurs pourraient vous faire croire, que notre faible plume et notre modeste discours ne sont pas de l'adversité mais plutôt l'expression des cris de désespoir de tout votre pauvre peuple silencieux d'en bas à travers notre toute petite personne décidée de briser le silence trompeur qui depuis des temps immémoriaux inspire souvent  aux dirigeants repus et inconscients le sentiment que tout va très bien quand bien même plus rien ne va.

Monsieur le Président, à la veille du cinquantenaire de l'Indépendance de notre pays et à moins de deux ans de la fin de la première législature de la RDCongo « véritablement démocratique », d'aucuns se perdent en conjectures sans dénouer le nœud gordien congolais qui est pourtant fait de trois énigmes qui ont pour noms : l'absence notoire d'ancrage idéologique, celle coupable d'une vision politique et enfin, celle regrettable de vrais choix économiques.
En effet, après une longue période de convulsions suivies de l'usure de la société congolaise, aucune valeur  ne fonde encore l'action de la classe dirigeante. A quand donc l'émergence d'une grande et forte nation congolaise si aucune idéologie ne vient féconder les esprits des Congolaises et des Congolais ?
 
Par ailleurs, faute de dirigeants visionnaires, les Congolais ne subissent qu'improvisations, décisions sans lendemain et tâtonnements de la part des gestionnaires de la chose publique.

Enfin, le développement économique reste un mirage. En lieu et place d'une politique économique pensée, globale et cohérente fondée sur la production en tant que gage de création de la richesse, le saupoudrage de quelques actions dans l'un ou l'autre coin de la République satisfait les seuls dirigeants rassurés de convaincre les opinions nationale et étrangère.

Il est établi aujourd'hui qu'en fait d'idéologie, de vision politique et de choix économique, le slogan de vos Cinq Chantiers semble être en même temps la seule réponse à l'immobilisme et le refuge pour nombreux de vos nombreux collaborateurs plutôt satisfaits d'eux-mêmes alors qu'incapables de retourner à leur avantage le désamour croissant du peuple las des promesses peu ou non encore tenues.

Excellence, loin d'être un pamphlet, cette lettre se veut porteuse de quelques propositions qui, nous l'espérons, pourraient aider à résoudre les épineuses  questions de querelles politiciennes, des Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda, ou encore, celle de la gouvernance de nos provinces.

Les Congolais et le monde entier ont suivi voici quelques mois, non sans s'en émouvoir, le feuilleton Joseph KABILA - Vital KAMERHE, les deux frères siamois de la politique congolaise que d'habiles mains ont réussi à séparer avec tous les risques et les conséquences de pareille entreprise périlleuse pour la République.
Que d'injures, moqueries, insinuations, humiliations sur la personne de votre allié fidèle  ne sortirent alors des bouches de ceux-là qui manifestement n'avaient de dessein que de faire de vous deux leurs otages !
Malheureusement, aujourd'hui, la finesse d'esprit du fringant et truculent tribun KAMERHE manque au débat politique congolais, et les séances à l'Assemblée nationale s'en ressentent vraiment tant l'aura du Président qui fédérait autour de sa personne (et de vous-même par conséquent) Opposition et Majorité a cédé la place aux querelles stériles et aux débats fades.
Excellence, même le Sud Kivu étêté de ses meilleurs représentants au sommet de l'Etat peine de l'absence à vos côtés de votre seul collaborateur dont la loyauté sans limites (comme les Sud Kivutiens savent l'être) avait fait écrire « Pourquoi ai-je choisi Joseph KABILA ».
Nous ne sommes certes rien dans la sphère politique congolaise, mais notre petite voix est celle des milliers de fonctionnaires comme notre géniteur, des pauvres enseignants comme notre mère et nous-même, des médecins et des paramédicaux dont nous sommes, de la famille judiciaire congolaise, des intellectuels sérieux, des croyants, bref, de tous ces Congolaises et Congolais de tous bords résolument engagés parce que convaincus vivement que demain sera un jour meilleur pour notre pays.
Au nom de nous tous, qu'il vous plaise, Excellence, de poursuivre votre parcours politique avec votre ami KAMERHE, et la RDCongo ne s'en portera que mieux. Le je t'aime moi non plus fait partie de la vie des politiciens, de même qu'il est universellement connu qu'en politique, les alliances défaites avec fracas peuvent se renouer avec pompe surtout lorsque l'intérêt général le commande.
La pomme de discorde fut certes la déclaration jugée tonitruante du Président des députés nationaux quant à l'arrivée sur notre territoire des militaires rwandais venant aider au rétablissement de la paix au Nord et au Sud Kivu.
Excellence, le brusque revirement de la situation faisant du pyromane le sapeur pompier pouvait surprendre et étonner quiconque.
Et depuis, les choses sont allées très vite jusqu'aux Opérations Kimia 1 et 2 ayant transformé aussi les hommes de NKUNDABATWARE en libérateurs des populations longtemps et fraîchement victimes de leurs actes d'atrocité et de criminalité.
Voilà désormais une multitude d'officiers et d'officiers supérieurs dans les deux Kivu et la cohorte des malheurs pour les populations : massacres, exactions diverses, pillages, assassinats, viols, déplacements, peur, traumatismes.
La réalité de la confusion actuelle est que plusieurs guerres se déroulent en ces temps dans les provinces martyres du Kivu : des Rwandais prolongeant chez nous leur conflit ; des Hutu rwandais s'estimant trahis par les autorités congolaises et menacés d'extermination par leurs frères se vengent sur nos pauvres populations sans défense ; les tueurs d'hier du RCD, du CNDP et d'autres groupes armés font payer le prix fort aux hommes et femmes des Kivu qui leur avaient tenu la dragée haute en combattant l'agression contre notre territoire et son occupation.
La synchronisation des attaques contre l'Eglise, nos villages et les assassinats dans Bukavu depuis quelques semaines ressemblent à s'y méprendre aux tristes épisodes des cinq années du terrible règne meurtrier du RCD à l'est du pays dont les principaux acteurs sont curieusement aujourd'hui parmi vos collaborateurs les plus influents au grand étonnement de leurs victimes d'hier, ce qui contredit les autres slogans de tolérance zéro et de lutte contre l'impunité. .
Tous ces faits corroborent les propos qui nous avaient été tenus lors de notre détention au Rwanda en 2007 confirmés par les déclarations de votre homologue rwandais en 2008 : le Sud Kivu subira longtemps une punition sévère pour sa témérité.
Comprenez dès lors, Excellence, que l'insécurité actuelle au Nord et au Sud Kivu n'est pas un épiphénomène mais plutôt une somme de forces différentes décidées de déstabiliser ou d'anéantir le moindre effort de pacification et de développement.
Qu'il vous souvienne par ailleurs que le Sud Kivu a été le théâtre de massacres chaque fois que le retour des FDLR dans leur pays a été à l'agenda de la Communauté internationale, et cette fois encore où le peuple rwandais se prépare aux élections auxquelles devraient aussi concourir les Rwandais de l'extérieur.
Nous pensons pour notre part que l'application de l'un des deux schémas suivants pourrait taire les guerres fratricides rwandaises et augurer de la paix chez nous :
Comme chez nos frères Burundais, nos frères Rwandais gagneraient à expérimenter un dialogue inter-rwandais suivi d'une transition politique en deux temps par les deux ethnies majoritaires devant déboucher sur des élections libres et démocratiques.
Quant au casse-tête « FDLR », la solution idoine serait que vous obteniez de la même Communauté internationale le transfert de tous les réfugiés Hutu rwandais en Tanzanie, pays qui a déjà une longue expertise et une forte expérience dans la gestion des réfugiés que la RDcongo n'a pas encore.
La classe politique et l'opinion sont divisées depuis l'annonce de votre volonté de modifier la Constitution, et les commentaires vont dans tous les sens ; les uns criant au scandale, d'autres à la trahison et d'autres encore y voient des signes manifestes d'une dictature naissante.
A notre humble avis, certaines dispositions constitutionnelles mériteraient d'être revues afin de faciliter la bonne gestion de nos provinces :
Des cas de gestion calamiteuse des provinces sont rapportés ci et là mettant en cause des gouverneurs élus par les assemblées provinciales sur fond d'arrangements politiciens souvent teintés de compromissions.
Nous pensons qu'un gouverneur élu au suffrage universel comme c'est le cas pour le Chef de l'Etat serait plus respectueux de ses électeurs et de leur argent.
Par ailleurs, certaines provinces font figure de parents pauvres dans la reconstruction du pays, le cas le plus évident étant celui de la province du Sud Kivu alors que grande contributrice au renflouement des caisses du Trésor public congolais.
Mais il est aussi évident que les pourcentages de rétrocession ou mieux de la retenue à la source sont loin de favoriser l'action des institutions provinciales.
Nous pensons qu'une inversion desdits pourcentages, soit 60% en lieu et place des 40 actuels qui reviennent peu ou proue de Kinshasa serait une panacée aux multiples problèmes insolubles de nos provinces.
Parlant toujours de la reconstruction, nous souhaitons de tout cœur vous rappeler d'un territoire du Sud Kivu, l'Ile d'Idjwi. Cette contrée qui fut la seule épargnée des guerres est oubliée en même temps qu'elle subit des revers de la nature : grave mosaïque de la banane, lente mais sûre désertification du sol… Et pourtant, la réalisation du projet d'électrification en ferait un pole de développement et un lien indispensable entre les provinces du Nord et du Sud Kivu. A ceci s'ajoutent les fortes potentialités agricoles, minières et surtout touristiques. Les insulaires d'Idjwi vous seraient infiniment reconnaissants de vous souvenir d'eux.      Nous n'ignorons pas que les festivités des cinquante ans de l'Indépendance seront pour vous l'occasion d'accorder vos largesses. Permettez-nous de demander respectueusement au Magistrat suprême que vous êtes de reconsidérer le cas des compatriotes Eddy KAPEND et ses nombreux compagnons d'infortune toujours emprisonnés pour l'assassinat de notre très cher L.D. KABILA. Nous souhaitons que votre remarquable affabilité aide à la libération de ces personnes qui ont si bien porté la révolution de 1996.
Dans le même chapitre, le Capitaine Gaston SANGBA et le Lieutenant Basco LABAMA croupissent dans la Prison centrale de Bukavu depuis près de quatre ans sans qu'une décision de justice ne les dise coupables de l'assassinat du brave Pascal KABUNGULU alors qu'ils auraient pu comme tant d'autres se faire la belle. Qu'il vous plaise, Excellence, d'ordonner que toute la lumière soit enfin faite sur cette affaire, et dans l'attente d'un procès équitable, que ces pères de familles dont la fuite n'est plus à craindre rejoignent les leurs qui vivent sans vivre, et votre idéal proclamé d'une justice juste en RDC sera manifeste.

Enfin, nous vous prions, qu'à l'instar de votre père qui l'avait si bien compris, vous ne ménagiez aucun sou pour payer décemment les fonctionnaires, les militaires et les policiers car même le fonctionnaire le plus zélé et l'armée la plus puissante du monde sombreraient dans la corruption, le vol et la trahison si placés dans les conditions des nôtres.

Excellence Monsieur le Président, nos sentiments patriotiques nous ont motivé à vous dire ces choses afin que le satisfecit que d'aucuns, Congolais, les institutions africaines et autres décideurs internationaux vous accordent ne se mue vite ou davantage en désamour de la part de votre propre peuple.
Rassuré que vous ne resterez pas insensible à nos propositions, et souhaitant déjà à vous-même, à votre famille ainsi qu'au peuple congolais tout entier de bonnes festivités de fin d'année et plein succès pour 2010, nous vous prions de croire de nouveau à notre profond respect.
Que dans sa bonté infinie, Dieu daigne bénir la République Démocratique du Congo.

Bukavu, le 15.12.2009

De Bukavu, Province du Sud Kivu, Me Idesbald BYABUZE Katabaruka.      


Me Idesbald BYABUZE Katabaruka                                                      
Avocat, Défenseur des droits humains au Sud Kivu et Enseignant
Tél. : (00243)997724853710502
E-mail : <ideskat@yahoo.fr>