Thursday, June 04, 2009

Interview au deputé Justin Bitakwira

Interview au deputé Justin Bitakwira :  "La traque des FDLR n'a été qu'un grain de sable dans la mer" 

Par  Le Potentiel, 7 mars 2009 

 Insécurité au Nord et au Sud-Kivu

7 mars, 2009, 11:00
Enregistré dans : Interview

Le député de la majorité, Justin Bitakwira, reste dubitatif sur les résultats de l'opération militaire conjointe RDC-Rwanda contre les FDLR sur le sol congolais. Il s'est exprimé hier vendredi 6 mars dans une interview accordée à RFI captée à Kinshasa.

 

Vous êtes député de la majorité et pourtant vous avez signé cette fameuse pétition sur l'intervention des troupes rwandaises au Congo, pourquoi?  

C'est d'abord un droit constitutionnel autour des questions très sensibles, engageant la nation congolaise. Comme l'entrée des troupes rwandaises en République démocratique du Congo. Elle a été réclamée par la moitié de députés constituant l'Assemblée nationale. Et nous avons eu 262 signatures. C'est largement suffisant.  

Cet accord entre Joseph Kabila et Paul Kagame, n'a-t-il pas permis de neutraliser les rebelles Hutu-rwandais des FDLR, et donc de faire baisser la violence au Nord-Kivu? 

Si cela a été le cas, nous ne devons dire que coup de chapeau. Mais je suis sûr que l'opération militaire conjointe n'a été qu'un grain de sable dans la mer, par rapport à l'insécurité qui règne dans le Nord-Kivu en général et dans le Sud-Kivu en particulier. 

Par cette pétition, vous demandiez l'ouverture d'une session extraordinaire de l'Assemblée nationale, mais vous n'aviez pas été entendus. Qu'est-ce que vous allez faire à la reprise des travaux ordinaires, le 15 mars prochain? 

A la rentrée du 15 mars que beaucoup de gens considèrent comme une date fatidique, nous nous disons que l'auguste plénière aura lieu et sera présidée par son président. Effectivement, cette question sera d'ailleurs traitée, qu'on le veuille ou pas.  

Vous parliez du président de la chambre basse. Justement à la suite de votre pétition, un grave différend est apparu au sommet de l'Etat entre le président de
la République et le président de l'Assemblée nationale. Joseph Kabila souhaite la démission de Vital Kamerhe, Qu'est-ce que vous en pensez?
 

 

Le mérite du président Joseph Kabila, c'est d'avoir organisé les élections. Et donc, le président Kabila a inscrit son nom en lettres d'or dans l'histoire en organisant les premières élections multipartistes au Congo. Et s'il prend la gomme pour effacer, j'estime qu'il est en train d'effacer son nom dans l'histoire du Congo. Et c'est ici le lieu même de demander au chef de l'Etat et à son entourage qui le pousse en ce moment à cette erreur, de revoir leur politique parce que c'est une politique catastrophique qui ne nous mènera nulle part.  

Il ne faut pas que Vital Kamerhe s'en aille, c'est cela? 

Je pense qu'autant nous respectons la présidence de
la République, autant
la présidence de
la République doit respecter l'institution Assemblée nationale.
 

Mais visiblement, le président Kabila souhaite que Vital Kamerhe quitte le perchoir au plus vite avant l'ouverture des travaux ordinaires de la chambre, le 15 mars? 

Je compare cette pression au mariage traditionnel en Afrique. En Afrique, naturellement polygamique, un homme peut avoir trois, cinq, dix, vingt femmes. Et s'il prend un verre de trop, il peut rentrer et chasser chacune d'elles quand et comme il veut. Mais la première femme pour qui la famille s'est investie, pour la chasser, il faut des cérémonies et la famille doit donner un dernier mot. Nous considérons donc que Kamerhe serait la première femme légitime: pour la faire partir, il faut le mot de la famille. Et le mot de la famille, c'est l'Assemblée nationale.  

Alors si Vital Kamerhe est encore au perchoir, qu'est-ce qui va se passer le 15 mars? 

Nous irons à cette Assemblée nationale. Et s'il va démissionner, nous prendrons acte, par vote secret, pour accepter ou refuser sa démission. 

Et que voterez-vous? 

Le vote sera secret, faut-il que je le dise dorénavant à RFI, je ne crois pas.  

Et s'il y a un risque d'éclatement de la coalition au pouvoir-Alliance pour la majorité présidentielle-(AMP), voire du parti au pouvoir-Parti du peuple pour la reconstruction et le démocratie (PPRD)? 

Je ne crois pas que le chef de l'État, Joseph Kabila, va gouverner ce pays avec seulement ceux qui lui disent "oui", et ceux qui disent "non" sont des ennemis et des adversaires ou ils deviennent de l'opposition et ne lui croient pas. Le chef de l'Etat a besoin du choc des idées, des gens qui peuvent dire "non", "plus ou moins", ou "assez bien". Et pas ceux qui disent tous les jours "oui, oui, oui", même quand ça va très mal.  

Avez-vous reçu de menaces, depuis que vous avez signé cette pétition? 

Oui. Je peux dire qu'on tend à vouloir menacer les députés dont moi-même. Et je connais une réunion qui s'est tenue au sommet de l'Etat, il n'y a pas longtemps, où les services de sécurité disaient subitement que nous étions en train d'intoxiquer l'opinion. Mais nous disons que nous jouons notre rôle d'élus du peuple, donnons nos opinions et convictions et nous savons qu'elles sont positives pour l'avenir du Congo.