Thursday, June 04, 2009

1969: Massacres des Etudiants a Kinshasa

Pour ne jamais rien oublier

 

1969: Massacres des Etudiants a Kinshasa

Ngbanda, etudiant, participait deja a la planification des tueries

4 juin 69 - 4 juin 2009 : 40 ans les premiers étudiants de Lovanium
sont massacrés par la soldatesque Mobutu

Par Jacques Mangalaboy

Eh oui, les anniversaires se répètent, mais ne se ressemblent.
Ce qui
devrait être un grand jour de souvenir pour les uns, est un jour de
récupération pour les autres.


Rappel des faits: le 04 juin1969

 
A cette heure-là, nous avions déjà dévalé la colline
du Mont-Amba et avions déjà dépassé le premier  barrage militaire sur le
rond point Righini. J'avais repris le camion conduit par mon
condisciple en 1ère année de MBCG, Roger Manono, aujourd'hui médecin
et ex-médecin chef de l'Hôpital Général. Le premier barrage sérieux a
été pour nous vers 7 heures sur la rue Capela, la séparation entre
Yolo Nord et Yolo Sud. A Edzo, les militaires avaient réussi à nous
faire descendre des camions. Nous entamions donc ce trajet au pas de
course avec nos slogans révolutionnaires. J'étais avec des amis du
collège Saint-Joseph dont mon ami Martin Epembe, un garçon du Lac, une
vraie tête brulée. Martin avait l'habitude de porter un beau blouson
noir et, en raison de son opposition farouche au pouvoir, nous
l'avions surnommé le Che. Au croisement Avenue de l'Université/Avenue
Capela, un deuxième barrage de PM se dressa devant nous en tirailleurs.
Nous avions drainé avec nous tous les petits enfants de Yolo, et
Quartier Mombele, tandis que les adultes se moquaient de nous : nous
ne voulions dénoncer qu'une chose la mise en place petit à petit du
pouvoir dictatorial de Mobutu. A la vue de ce barrage, le camarade qui
nous commandait, cria : <<Avancez, camarades, nous sommes invincibles !>>
A ce moment, les PM reçurent un ordre de sommation et tirèrent en l'air.
N'entendant que notre bravoure, nous avancions et j'étais au premier
rang avec Martin. Le deuxième ordre fut donné, les PM pointèrent leurs
armes vers nous et tirèrent une seconde fois. Un jeune garçon du
quartier qui était à coté de nous se tint le bras et nous remarquâmes
un filet de sang sortir de sa chemise. A ce moment-là, notre
commandant cria :<< Camarades, couchez-vous, ce sont des balles réelles!>>
C'est ce que nous fîmes tous et cela fut interprété par nos
agresseurs, comme le leur faisaient croire Mobutu et ses sbires, que
nous avions reçu un entrainement des Chinois.
Le groupe se désintégra. Je perdis Martin et les autres amis. A cette
heure-là le massacre commença partout. Comme la stratégie des
organisateurs était de disperser les groupes des étudiants : en effet, nous
étions parmi les derniers pelotons puisque d'autres étaient déjà en
ville avec les étudiants des instituts supérieurs et les vaillantes
filles de l'ISG.
Témoignages macabres

1.Mon ami Martin fut tué à bout portant par un militaire qui le suivait le prennant pour un muluba.
Il se dirigeait vers sa commune à Dendale, il habitait rue Irebu.
2. Je perdis aussi mon ainé du collège, Symphorien Mwamba, qui était effectivement mon aîné au Collège Saint-Joseph
. On ne pouvait le rater : il était un vrai muluba, clair de peau et déjà un
grand poète qui avait sorti des recueils. J'habitais la première aile du home 10, au numéro 1274.

3. Mon voisin d'à côté, un grand Muluba aussi fut abattu sans ménagement
.
4. Et notre ami animateur du Homme 30 - qui  ne le connaissait pas ?- ce grand muluba qu'on avait surnommé Odjuku,
tomba aussi sous les balles de la soldatesque Mobutu.

- Trois amis sur 12 tués officiels sur un total de 3000 étudiants qu'on était.
Aujourd'hui : je ne travaillerai pas à l'hôpital.
- Un étudiant était avec nous : il s'appelait Ngbanda Honoré et habitait le home 30. Lui avait été au séminaire de Lisala. Je le connaissais, comme d'autres, par l'entremise d'un grand ami, aujourd'hui magistrat au Congo : Maurice Lingbegbe.

Je suis choqué que cet anniversaire soit détourné par lui au profit de son parti politique. Il a le droit d'en avoir et
de combattre, mais une telle attitude crée les appartements insupportables. Il devrait avoir honte. Jusqu'à ce jour, nous n'avions
jamais enterré nos camarades, disparus comme Lumumba avant! Ngbanda
aurait dû au moins nous restituer les corps pour leur faire un sépultre.

Conséquences:


- L'université fut fermée, tous les étudiants devaient rentrer dans
leurs provinces respectives.
 
-
Pour les étudiants du Kasaï qui avaient
beaucoup payé, le sinistre Mobutu avait demandé à un de ses ministres
de se retrouver à l'aéroport de Ndjili pour les  réconforter.
Ce ministre leur remettait une petite enveloppe d'argent pour le voyage : ce ministre de Mobutu s'appelait Etienne Tshisekedi. Il est certes
devenu un farouche opposant à Mobutu, mais il ne faut pas oublier l'histoire.
- Quant à Ngbanda, il fut mêlé dans une autre histoire dans laquelle nous avions perdu aussi des amis militaires, dont le colonel Mwepu, exécuté matinalement, alors que son innocence était reconnue.

A mes amis du CAC, quelqu'un avait dit qu'il ne fallait pas ignorer
l'histoire pour construire l'aveni
r
.

 
Mais  s'efforce-t-on de connaitre
cette histoire qui est pervertie de jour en jour et dont les témoins
ne cessent de disparaitre sans laisser un témoignage pour l'histoire.
J'attends avec beaucoup d'impatience un vrai livre de témoignage de
Tshisekedi qui a connus des heures de gloire et de torture.
Ce sera
sain pour l'esprit.

Gardons une pensée pour nos morts.

Jacques Mangalaboy
 
 
 
Pour la jeunesse estudiantine congolaise d'aujourd'hui:
 
L'avenir de la République Démocratique du Congo sera ce qu'on fait de sa jeunesse aujourd'hui!
Le passé est riche d'enseignements et la jeunesse congolaise, en l'occurrence estudiantine, est le fer de lance de cet avenir! A ce titre, la jeunesse doit se prendre en charge pour défendre l'avenir déjà hypothéqué par des pratiques politiciennes négatives imposées au peuple congolais en ce moment! Ce souvenir ci-après, évoqué par le docteur Jacques Mangalaboy est une interpellation adressée à la jeunesse congolaise au travers la démonstration d'engagement de leurs ainés qui, effectivement, avaient pris conscience, à l'époque, pour défendre l'avenir en défiant le pouvoir dictatorial! Malheureusement, l'environnement international soumis aux conditions de la guerre froide n'était pas propice à provoquer le changement!
Tout congolais qui aime son pays et qui a suivi le dimanche 24 mai 2009 sur la télévision française TF1 l'émission  Sept à Huit vers 19hrs00, les images tragiques de jeunes filles mineures sacrifiées sur l'autel de la prostitution et des viols à Kinshasa, où se trouvent toutes les institutions de la république, incapables d'agir pour arrêter ce fléaux qui dévastent la jeunesse, n'a pas manqué d'écraser une larme de dépit! Voire du fait de l'impression d'être enfermé dans une bulle de mélancolie honteuse face à ce spectacle qui montrent à quel point l'avenir est hypothéqué et qu'il y a nécessité à le défendre!
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