Thursday, September 29, 2011

ELECTIONS RDC: fichier douteux. Un audit est requis

From: Professeur Mukuna <tshibs2000@hotmail.com>
Date: 2011/9/30

Le fichier électoral serait-il contaminé? Seul un audit pourra le dire

Par  Le Potentiel


D'après un rapport qui circule sous le manteau à Kinshasa, des centaines de milliers de noms enregistrés dans le fichier électoral seraient de faux électeurs. Il se pourrait qu'un bon nombre de ces faux électeurs se soient retrouvés dans le fichier à la suite de simples erreurs techniques. Des diplomates à Kinshasa qui ont lu le rapport et suivent de près le processus électoral suggèrent néanmoins qu'il y a là assez pour soupçonner de la fraude. Sans un audit, il sera difficile de savoir si ces craintes sont bien fondées.



Le rapport est un document confidentiel préparé début août par ZETES, la compagnie belge contractée par le gouvernement congolais pour fabriquer les cartes d'électeurs biométriques. ZETES avait procédé à un examen technique préliminaire de la banque de données contenant la liste des électeurs pour vérifier combien de doublons elle pourrait contenir, c'est-à-dire combien d'électeurs apparaissaient plus d'une fois dans le système. D'après deux diplomates qui ont vu le rapport, l'examen de ZETES a décelé un nombre important de doublons dans les proportions suivantes : Bandundu : 278.039, c'est-à-dire près de 13,68% d'électeurs de cette province, Equateur : 201.543 ou 12,69% d'électeurs, Orientale : 198.881 ou 5,47% d'électeurs, Kinshasa : 22.466 ou 0,87% d'électeurs



Il s'agit là d'un nombre de doublons bien plus élevé que celui annoncé par le président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) Daniel Ngoy Mulunda, qui n'a récemment parlé que de 119.000 doublons identifiés.
Le rapport de ZETES, qui a été remis en début août, distingue différentes sortes de doublons. Les plus préoccupants, et qui étaient assez nombreux d'après l'examen préliminaire de ZETES, sont les doublons binaires ou vrais doublons. Ceux-ci seraient constitués d'entrées multiples dans la base de données dont la photo et les empreintes sont identiques bien que possédant une information qui diffère, généralement le moment (timestamp) de l'enrôlement. D'après le rapport ZETES, la présence de ce genre de doublons « prête à penser qu'il s'agit de manipulation effectuée directement dans la base de données du kit électoral». Les doublons binaires sont donc clairement issus d'intention frauduleuse.



Combien de cartes d'électeurs ont-elles été délivrées à ces vrais doublons ? Nul ne le sait à ce stade. Ce qui est plus certain est que même si ces doublons étaient tous éliminés, le système pourrait toujours être entaché par d'autres types de fraudes, telles que l'enrôlement d'enfants et d'étrangers.
Même à supposer que tous ces faux électeurs résulteraient d'erreurs techniques, le moins que l'on puisse dire est que leur présence a faussé la représentativité de certaines circonscriptions électorales. Par exemple, Kinshasa a de loin moins de doublons que d'autres provinces, et seulement 92% d'électeurs attendus ont été enrôlés à Kinshasa, alors que ce sont 110% d'électeurs attendus qui l'ont été en Equateur et 109% au Katanga.



Le rapport de ZETES a calculé qu'une chasse à tous les doublons dans le fichier électoral prendrait du temps et irait jusqu'en octobre. Si cela avait été fait, il aurait fallu repousser la date des élections. Un tel report était inacceptable pour ceux qui tenaient à la date du 28 novembre et qui faisaient donc tout pour que la loi sur la répartition des sièges par circonscription électorale – ce qui a été appelé «annexe» à la loi électorale – fût votée en début août, alors que la CENI n'avait pas fini de digérer le rapport de ZETES. Le fichier électoral n'ayant donc pas été audité et nettoyé avant le vote de la loi sur la répartition des sièges comme de nombreux sénateurs le demandaient, la population de Kinshasa et celles d'autres circonscriptions ayant enregistré moins de doublons pourraient être sous-représentées au parlement.



Il est important de procéder à un audit du fichier électoral, non pas seulement pour corriger le déséquilibre dans la répartition des sièges, mais surtout pour faire renaître la confiance dans le processus électoral. La Commission électorale a compris cela et a annoncé le 23 septembre sa volonté d'ouvrir l'accès à sa banque de données aux cinq délégués désignés par l'Opposition. Plus tard, néanmoins, le président de la CENI a semblé revenir sur cet engagement en précisant que l'Opposition et la Majorité présidentielle devront se mettre d'accord sur les modalités de l'audit avant que cet audit n'ait lieu. La Majorité présidentielle ayant déclaré ne pas croire à la nécessité d'un audit, l'opposition a ainsi été privée en réalité de tout accès à la banque de données de la CENI.



La commission électorale gagnerait beaucoup en crédibilité si elle donnait à toutes les parties, en particulier à l'opposition, un accès non conditionné à sa banque de données et au fichier électoral. La publication du rapport de ZETES serait un premier pas dans cette direction. ——————
Pascal K. Kambale, un avocat des droits de l'homme et enseignant à l'université catholique du Graben à Butembo, est le directeur de la fondation Open Society Initiative for Southern Africa (OSISA) pour la RDC. Pascal Kambale est co-auteur des Organes de gestion des élections en Afrique de l'Ouest (2011), une étude comparée des commissions électorales dans six pays d'Afrique occidentale. Jason K. Stearns est un analyste politique et commentateur en ligne sur les affaires de la RDC. Ses commentaires sont disponibles sur son blog http://congosiasa.blogspot.com. Jason Stearns est l'auteur de Dancing in the Glory of Monsters (2011), un livre sur les guerres au Congo.



PAR PASCAL KAMBALE ET JASON STEARNS (*)