Conflit ethnique en Equateur : de curieux détails évoquent une manipulation.
http://www.lalibre.be/actu/international/article/547106/rebellion-ou-manipulation.html
Par Madame Marie-France Cros
Conflit ethnique ayant dégénéré ? Rébellion locale contre le manque de considération du gouvernement central ? Ou rébellion politique, destinée à renverser le pouvoir Kabila? Des ingrédients de ces trois versions des récentes violences à Dongo sont présentes, d'autant plus difficiles à démêler que la région est isolée en zone forestière, à l'extrême nord-ouest du Congo-Kinshasa, aux confins du Congo-Brazzaville et de la Centrafrique.
Dongo se trouve à 230 km de Gemena, chef-lieu du Sud-Ubangui et principale ville de la région d'origine de Mobutu. Celle-ci est abandonnée à son sort depuis la mort du dictateur (qui ne l'avait guère développée, quoi qu'en croient les autres régions), tout comme les anciens soldats de Jean-Pierre Bemba (issus de l'armée de Mobutu) depuis que celui-ci, oublieux de ses hommes, avait quitté la lutte armée pour le gouvernement de transition (2003).
Fin octobre, un conflit vieux de plusieurs années entre communautés locales, pour la possession d'étangs riches en poissons, éclate : le clan des Enyeles (appelés aussi Lobalas), majoritaires à Dongo et qui ont constitué une milice de plusieurs centaines à 2500 hommes, selon les sources, attaquent tous les "non-originaires". La goutte qui a fait déborder le vase est la suspension d'un chef de secteur enyele, Edo Bokoto, et son remplacement par un "non-originaire".
Le conflit des "non-originaires" est récurrent dans de nombreuses parties du Congo : avec le rétrécissement des ressources dû à la mal-gouvernance, les communautés exigent de plus en plus qu'elles soient réservées en priorité aux originaires du lieu. L'existence de l'Etat se faisant rarement sentir par ses bienfaits - surtout en périphérie du territoire national - et bien plus par son poids (administrateurs voraces, militaires et policiers racketteurs, etc.), les "non-originaires", envoyés ou non par Kinshasa, sont vite chargés de tous les maux. Les diatribes contre les "non-originaires" sont présentes dans toutes les zones de conflit du Congo : au Kivu, au Katanga, au Bas-Congo, en Province orientale. Et aujourd'hui en Equateur, où les Enyeles sont aigris par la main-mise de la tribu Boba sur le commerce et par la prévalence d'étrangers à la région dans l'administration.
Fin octobre, donc, la milice enyele a fait couler le sang à Dongo, ainsi que dans plusieurs localités voisines. On déplore, selon les versions, de 37 à une centaine de morts (mais la police affirme avoir enterré 47 cadavres rien qu'à Dongo), ainsi que 37 000 réfugiés au Congo-Brazzaville et 14 000 déplacés internes.
Les miliciens enyeles sont dirigés par un "chef mystique", nommé Adjani ou Oudjani, selon les versions.
Jusqu'ici, c'est un conflit ethnique comme il y en a de temps en temps au Congo. La différence : si les premiers tués le sont à coups de machette, on parle rapidement d'armes de guerre (fusils d'assaut, lance-roquettes). D'où viennent-elles ? Appartiennent-elles au MLC (Mouvement de libération du Congo, ancien groupe armé de Jean-Pierre Bemba) et auraient-elles été déterrées de leur cache par quelques personnes ? On signale, en effet, la présence, à la tête de la milice enyele, d'anciens militaires mobutistes et MLC, ce qui expliquerait ses victoires.
Car celles-ci se sont multipliées. Au même moment, un mystérieux mouvement des "Patriotes-résistants de Dongo" se met à diffuser des communiqués sur Internet, revendiquant les violences des insurgés comme des conquêtes de territoire et annonçant combattre "l'armée rwandaise" du "pouvoir rwandais établi à Kinshasa".
Ce discours, ainsi que les références à des services secrets qui l'accompagnent, font irrésistiblement penser aux productions habituelles de pêcheurs en eaux troubles qui se réclament de l'ex-conseiller spécial pour la sécurité de Mobutu, Honoré Ngbanda, originaire comme lui du nord de l'Equateur et surnommé "Terminator" ; ceux-ci ont fait du thème de la prétendue nationalité rwandaise de Kabila l'argument principal d'une campagne contre lui. Les communiqués des "Patriotes-résistants" sont diffusés par les mêmes réseaux Internet que ceux qui font circuler les textes des thuriféraires de Ngbanda.
Les "Patriotes-résistants de Dongo" annonçaient, le 21 novembre, leur prochaine conquête de Gemena. La Mission de l'Onu au Congo (Monuc), affirme que des jeunes gens de la région sont recrutés contre argent - ce qui renvoie à la thèse de la manipulation politique. Tout comme le communiqué des "Patriotes-résistants" de ce 2 décembre, annonçant "l'arrivée aux environs de la mi-décembre à Kisangani d'un détachement de paras belges pour mater la rébellion des ex-FAZ (NdlR: Forces armées zaïroises, l'armée de Mobutu) et ex-MLC (version Kabila de la crise) dans la province de l'Equateur". Et d'ajouter que "Bruxelles prévoit de faire intervenir ses hommes sur le terrain des opérations sous l'uniforme de la Monuc". Si ce communiqué indigne ou fait rire à Bruxelles - où les Affaires étrangères démentent "avec la plus grande fermeté toutes (c)es affirmations" - il peut entretenir la tension dans le nord du Congo.
Le 1er décembre, le président Kabila s'est rendu à Gemena, où il a pu constater l'état d'abandon de la ville : à l'hôpital général - établissement de référence pour la région - on opère à la lampe-torche, faute de courant...
Madame la journaliste Marie-France Cros,
Je ne vous félicite pas pour votre article
Vous n'avez probablement pas lu « Libenge serait tombée aux mains des "patriotes-résistants » ...Ne serait-il pas temps de vous occuper de thématiques plus abordables ? :