Dans un discours "fondateur" prononcé samedi 11 juillet devant le Parlement du Ghana, le président américain Barack Obama a invité les Africains à changer leur destin. Il a exhorté les Etats africains à promouvoir la bonne gouvernance sans laquelle il n'y a point de développement. «Yes you can». "Oui, vous le pouvez", a-t-il clamé.
«Je crois beaucoup à l'idée que les Africains sont responsables pour l'Afrique». «L'Amérique sera le partenaire des Africains qui luttent contre la corruption, remettent leurs paysans au travail pour nourrir le continent et font évoluer leur Etat de droit au rythme d'une saine démocratie». «Il n'y a pas plus criminel que d'envoyer des enfants faire la guerre et de livrer des femmes au viol systématique. Nous serons les témoins de chaque vie menacée au Darfour et de la dignité de chaque femme au Congo».
En trois messages forts parmi tant d'autres, le président Barack Obama a tracé les grandes lignes de la politique qu'il entend promouvoir à l'égard de l'Afrique. Une politique qui convie les Africains à une "révolution culturelle". Pour lui, il ne dépend qu'aux Africains de sortir l'Afrique de sa marginalisation. Le dernier message précité a le mérite d'interpeller les Congolais en particulier mais aussi les dirigeants et autres «War lords» africains, "inventeurs" du phénomène «Kadogo» ou enfant-soldat.
Bonne gouvernance
Après Moscou où il a participé au sommet du «G8» regroupant les huit nations les plus industrialisées, après une visite au Pape Benoît XVI au Vatican, le président américain Barack Obama est arrivée vendredi 10 juillet à Accra dans le cadre de sa toute première visite sur le continent africain. Cette terre où son propre père a vu le jour. Il était accompagné de la «First Lady» Michelle et de leurs deux filles Sasha et Malia.
Pourquoi le Ghana ? Au moins deux raisons majeures. Dès vendredi soir, le chef de l'administration américaine a fourni la première : «Nous pensons que le Ghana peut être considéré comme un modèle de réussite pour le reste du continent africain». Explicitant sa pensée, «Barack» dira qu'il a choisi ce pays «pour souligner la bonne gouvernance» qui y règne. Deuxième raison. Les Afro-Américains entretiennent une relation sentimentale avec le pays de Kwamé Khrumah. Chaque année pas moins de 10.000 d'entre eux vont en «pèlerinage» dans ce pays. «Le Ghana offre surtout un retour aux sources chargé d'émotion aux descendants des esclaves noirs», écrivait le mensuel français «L'Expansion». Un millier d'Afro-Américains s'y seraient établis.
Le Ghana a mené un véritable parcours du combattant pour atteindre l'embellie qui lui vaut les «compliments» de la première puissance mondiale. Engagée depuis 1982 dans un programme d'ajustement structurel avec les institutions de Breton Woods, cette ancienne colonie britannique est devenue, à tort ou à raison, le «meilleur élève africain» du Fonds monétaire international (FMI). Ici, le taux de croissance est en constante progression. Sur le plan politique, ce pays de l'Afrique anglophone a mené avec succès la transition vers la démocratie. Arrivé au pouvoir en 1981 grâce à un putsch, Jerry John Rawlings – qui n'a pas hésité à faire passer par les armes quelques-uns de ses prédécesseurs galonnés - a conduit sans heurts majeurs le processus démocratique amorcé en 1992. Il y a eu deux alternances politiques pacifiques (J. Rawlings-John Kufuor ; J. Kufuor-John Atta Mills) en une décennie. Le Ghana connaît une vie économique, politique et sociale apaisée.
Réquisitoire
En se rendant au Ghana dès le lendemain du sommet du G-8 à L'Aquila, en Italie, les Etats-Unis entendent montrer que "l'Afrique n'est pas à l'écart des affaires du monde", a expliqué Obama. La visite du président américain à Accra a connu deux temps forts. D'abord, un discours devant le Parlement du Ghana. Ensuite, une visite au Fort d'où partaient les esclaves vers l'Amérique.
Samedi 12 juillet, le palais de congrès à Accra était …noir de monde. Signe évident d'apaisement politique : deux anciens présidents du Ghana étaient assis au premier rang pour écouter Obama. Il s'agit de Jerry John Rawlings et son successeur John Kufuor.
Après avoir reconnu que le colonialisme a tracé des frontières qui n'ont «aucun sens», Obama change aussitôt de fusil d'épaule. Il adopte le ton d'un procureur : «Ce n'est pas l'Occident qui est responsable de la destruction de l'économie du Zimbabwe». Il poursuit son réquisitoire : «Comment voulez qu'on investisse dans des pays où le gouvernement prend des commissions de 20% et où le chef du port autonome est corrompu ? Il faut mettre fin à ce genre de brutalité et de tyrannie». Les chefs d'Etat africains occupés à tripatouiller la Constitution de leur pays pour s'éterniser au pouvoir ont pris pour leur grade. «L'Afrique n'a pas besoin d'hommes forts, elle a besoin d'institutions fortes", a-t-il lancé. Une allusion claire à ce qui se passe notamment au Cameroun et au Niger. Et demain peut-être au Gabon. Pour le président américain, l'heure est venue pour les Africains d'assumer la responsabilité de leur avenir. «C'est trop facile, a-t-il martelé, de pointer du doigt les autres comme étant responsable de son propre malheur.»
Manifestement bien briefé sur les réalités socio-politiques du continent, «Barack» de souligner qu'«aucune personne ne veut vivre dans une société où la règle du droit cède devant le règne de la brutalité et de la corruption". Pour lui, «la bonne gouvernance constitue le changement qui peut débloquer le potentiel de l'Afrique".
Le chef de l'Administration américaine a par ailleurs annoncé son engagement à "accroître sensiblement" l'aide américaine à l'Afrique. Il a conclu en invitant les Etats africains «à combattre la corruption et faire prévaloir l'état de droit».
Baudouin Amba Wetshi (avec Reuters et AP)
© Congoindépendant 2003-2009