Francophonie – Stephen Harper du Canada viendra
OTTAWA – Alors que le président français François Hollande pourrait boycotter le prochain Sommet de la Francophonie en République démocratique du Congo (RDC), les valises de Stephen Harper, premier ministre du Canada, sont pour ainsi dire déjà prêtes.
Plusieurs médias européens ont rapporté cette semaine que le président de la République française hésiterait à se rendre au sommet de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) qui doit se tenir en octobre à Kinshasa. M. Hollande s'inquiéterait particulièrement des violations des droits de la personne dans ce pays africain et serait mécontent des dernières élections entachées d'irrégularités.
Le gouvernement canadien se dit lui aussi préoccupé, mais il exclut malgré tout de boycotter le forum international ou encore de poser des conditions rigides pour sa présence.
«Les absents ont toujours tort», a lancé le ministre d'État chargé de la Francophonie, Bernard Valcourt, de retour d'un voyage en RDC.
Le ministre conservateur s'est rendu à Kinshasa la semaine dernière, à la demande du premier ministre Stephen Harper, pour demander au gouvernement des actions en faveur de la démocratie et du respect des droits de la personne.
Les autorités congolaises se seraient montrées ouvertes aux inquiétudes canadiennes, mais aucun engagement ferme n'aurait émané de cette rencontre.
Pas question pour autant de boycotter le Sommet de la Francophonie, a signalé le ministre Valcourt en entretien avec La Presse Canadienne, même si de nombreux Canadiens d'origine congolaise s'opposent à la participation du Canada.
«La population là-bas a besoin que la communauté internationale soit intéressée par sa situation et qu'elle puisse dialoguer avec les autorités congolaises, a avancé le ministre. Je ne crois pas que c'est en ignorant le sort de la population congolaise, en l'isolant, qu'on va l'aider.»
Le porte-parole de M. Harper, Carl Vallée, a indiqué pour sa part que le chef conservateur se faisait un point d'honneur d'aborder les questions sensibles avec ses hôtes lorsqu'il voyage outre-mer.
«Lorsque le premier ministre va dans ce genre de sommet, il n'hésite jamais à soulever ce type d'enjeux», a-t-il assuré.
Cautionner le régime?
Pour le vice-président de l'International Crisis Group, Alain Délétroz, la présence à Kinshasa du Canada, et éventuellement de la France, pourrait cependant envoyer un bien mauvais message à l'Afrique.
«Pour une organisation qui est censée promouvoir la démocratisation de tous les pays membres, se rendre en RDC juste à la fin d'une année électorale aussi mauvaise et dans laquelle vous continuez à avoir des violences, ça pose quand même un certain nombre de questions», a-t-il noté en entrevue téléphonique de Bruxelles.
Les élections présidentielles de 2011, qui ont reporté au pouvoir Joseph Kabila, ont été dénoncées par les observateurs internationaux qui y ont constaté des fraudes et des résultats non crédibles. L'Est du pays est également toujours en proie à des violences dont les femmes sont les victimes de première ligne.
«À mon avis, ce n'est pas très judicieux si à ce stade les deux plus grands pays démocratiques de la Francophonie se mettent à envoyer un message positif en disant: « voilà, tout ca, c'est oublié, on passe par dessus »», a illustré M. Délétroz.
Le ministre Bernard Valcourt croit de son côté que la RDC est sur la bonne voie et que son gouvernement est bien intentionné.
«J'ai spécifiquement demandé si on allait apporter les réformes souhaitées à la commission électorale nationale indépendante, et on m'a dit oui. J'ai demandé si on pouvait s'attendre à avoir des résultats avant le sommet, on m'a dit oui. Donc on va suivre la situation de près», a-t-il conclu.
Les raisons en faveur de la participation du Canada au Sommet et celles pour un boycott sont soupesées par les organismes concernés, qui décident parfois de retourner leur veste. Ainsi, la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadiennes (FCFA), Marie-France Kenny, avait d'abord indiqué qu'elle boycotterait l'événement, avant de changer d'avis après avoir parlé à des représentants de la société civile congolaise.
«J'ai un peu changé mon fusil d'épaule, a-t-elle admis. J'ai compris que nos gouvernements et l'OIF se rendaient à Kinshasa en appui à la société civile pour aider à rétablir l'ordre et non pas pour appuyer un gouvernement qui pourrait les opprimer», a souligné Mme Kenny.