Monday, June 07, 2010

Enquête sur l’assassinat de Floribert Chebeya : Problématique de l’autopsie



Enquête sur l'assassinat de Floribert Chebeya : Problématique de l'autopsie
 
Dr. Tharcisse Loseke Nembalemba  __  S'il y a un point pour lequel tout le monde s'accorde au sujet de l'assassinat de Floribert Chebeya, c'est la réalisation d'une enquête sérieuse, indépendante et internationale pour élucider les circonstances de cette mort brutale et odieuse. Même le pouvoir de Kinshasa souhaite que "toute la lumière soit faite" dans cette affaire. S'agissant d'une suspicion d'assassinat, l'étape cruciale de l'enquête sera incontestablement l'autopsie.

Seulement très peu de personnes se posent des questions essentielles concernant la réalisation pratique de cette autopsie. Parmi ces questions, les plus importantes sont les suivantes : Où pratiquerait-on cette autopsie ? Par qui ? Dans quelles conditions de fiabilité ? Les réponses à ces questions permettent de conclure d'emblée que si l'autopsie du corps de Floribert Chebeya avait eu lieu à Kinshasa dans les conditions actuelles, elle serait tout simplement bâclée et laisserait beaucoup de zones d'ombre. Ce que ceux qui ont des choses à cacher souhaitent.

 Dr.Tharcisse Loseke Nembalemba
 
En criminologie, comme on le voit dans certaines séries télévisées, les enquêteurs prennent beaucoup de soins aux informations qu'ils obtiennent de l'autopsie qui sont généralement d'une importance capitale pour la clôture de leurs dossiers.

A Kinshasa, tout comme dans toute l'étendue de la RD Congo, il n'y a pas d'Institut médico-légale, ni de Police scientifique bien équipée. Il y a quatre grands hôpitaux laissés par les Belges : Hôpital Général de Kinshasa, HGK (ex Mama Yemo), la Clinique Ngaliema, l'Hôpital de Kintambo et les Cliniques Universitaires de Kinshasa (CUK). Il n'y a qu'à l'Hôpital Général de Kinshasa et aux CUK que l'on pouvait pratiquer des autopsies. La salle d'autopsie des CUK est fermée depuis belle lurette. A l'HGK, le seul Médecin légiste que possède la RD Congo, aujourd'hui âgé de plus de 80 ans, n'effectue que très rarement les « autopsies » qui ne sont en fait que des constats avec du matériel complètement obsolète et non des autopsies classiques. Dans ces conditions, où pouvons-nous croire qu'une autopsie valable peut être effectuée ?

Quelle que soit la volonté des gouvernants de Kinshasa, il sera quasi impossible d'équiper l'un de ces hôpitaux avec une salle d'autopsie dans un temps record pour que les Experts étrangers américains et/ou hollandais puissent effectuer leur travail dans des conditions optimales. Il importe de signaler qu'une salle d'autopsie classique est de loin plus chère qu'une salle d'opération de Neurochirurgie selon les informations recueilles à chaud à Bruxelles.

En outre, l'autopsie ne se limite pas aux constats et observations d'indices. Elle comprend aussi une série de prélèvements d'échantillons à analyser qui demandent des conditions de conservation extrêmement délicates si les analyses se font à distance. Comme tout le monde le sait, dans certaines enquêtes ce sont ces analyses à elles seules ont permis d'élucider certains énigmes. Dans le cas de notre frère Chebeya, la recherche des ADN(le sien et ceux des autres) ainsi que les dérivés du Viagra (citrate de sildénafil) dans ses tissus seront des analyses capitales pour confondre les auteurs de ce crime et surtout démonter la supercherie qu'on a voulue monter pour souiller sa mémoire.

Par ailleurs, la médecine légale, à l'instar des autres spécialisations de la médecine, est aussi fragmentée à d'autres spécialisations plus pointues. Nous doutons très fort qu'une armée d'Experts puissent s'amener à Kinshasa pour donner leurs expertises spécifiques en la matière. Tout comme nous ne pouvons pas penser que ceux des Médecins légistes étrangers qui se rendraient à Kinshasa amèneraient avec eux tout ce matériel sophistiqué nécessaire à une autopsie fiable. Or justement, c'est bien cela qui donnerait plus de sérieux à l'enquête, selon les Légistes consultés. Les aveux actuels des inculpés ne rendent pas caduc le déroulement d'une enquête sérieuse.

Au-delà des problèmes techniques soulevés, le pouvoir en place ne manquera pas de créer des entraves à la réalisation de cette autopsie à Kinshasa dans des bonnes conditions. Actuellement le corps de Floribert Chebeya serait pris en otage à la morgue du GHK. Comme tout le monde le sait les visites sont interdites et une délégation des Ambassadeurs accompagnés d'un médecin légiste aurait été rabrouée.

Que faire dans ces conditions ? La seule alternative qui s'offre à nous est que l'autopsie se fasse dans des conditions requises dans un pays étranger. Nous préconisons une concertation rapide entre la famille, les ONGs de droits humains et les Experts légistes désignés (notamment les Américains et les Hollandais) pour lever l'option réaliste qui permettrait d'effectuer cette autopsie correctement de manière à donner une crédibilité à cette enquête. Le peuple congolais souhaite être suffisamment édifié sur les contours de ce crime crapuleux.

Tharcisse Loseke Nembalemba, docteur en médecine, neurologue
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